Lulu Hughes a lancé son troisième album solo cette semaine. Enfin, solo, c'est une expression puisque c'est avec la vingtaine de musiciens du Montreal All City Big Band qu'elle a enregistré ce disque de reprises extrêmement varié: ça va d'Alice Cooper à Coldplay, en passant par une nouvelle version de sa propre chanson Crazy Mama! Ça tombe bien, Lulu est justement devenue maman il y a deux mois...

Le plus surprenant, ce n'est pas de faire une entrevue avec Lulu Hughes entre une pile de couches et de vêtements de bébé dans une loge de l'Astral, où a lieu son lancement. Non, le plus étonnant, c'est de voir la toute petite fille de Lulu, Melody Victoria, deux mois, dormir profondément alors que le big band répète, à quelques mètres des coulisses, Whole Lotta Love de Led Zep et The Pain Gets Worst de l'excellent groupe britannique Archive!

 

Qu'on se rassure: il y a des mains qui couvrent les minuscules oreilles pour les protéger - sa maman n'est pas si folle que ça! Mais Melody Victoria est sans doute profondément habituée à cet environnement sonore: «Elle était dans mon ventre pendant que j'enregistrais l'album», dit Lulu avec un beau sourire.

Elle a l'air vraiment bien, Lulu. D'abord parce qu'elle est dans son élément avec une grosse «gang» comme l'est un big band: après tout, c'est fondamentalement une fille de gang qu'on a vue aussi bien avec le Montreal Jubilation Gospel Choir que les Porn Flakes («Normal, je viens d'une famille de sept enfants!»).

Mais surtout, ce nouvel album et ce poupon tout neuf marquent un tournant, après des années plutôt difficiles. En 2006, Lulu se sépare (à l'amiable) de son amoureux de longue date, elle perd son agente, elle sort son deuxième album... mais la compagnie de disques ferme ses portes deux semaines après le lancement! «Mais le pire pour moi, c'est que j'avais 39 ans, dit Lulu, et je me sentais finie. Ma carrière était finie, ma vie de femme était finie, j'aurais jamais d'enfant... Pendant un an, j'ai braillé. Mais bon, ça fait mal à l'ego, mais ça n'est pas mortel, tout ça, hein? Alors, j'ai décidé de partir en voyage en Europe avec ma meilleure amie, Sabine»

Et en Allemagne, elle a rencontré celui qui allait devenir son mari. «Jens n'avait aucune idée de qui était Lulu Hughes, mon nom ne lui disait rien du tout, explique la chanteuse. Lui, c'est «Louise» qu'il a rencontrée. Quelques mois après notre rencontre, j'ai eu un show à Paris avec un de mes amis (le DJ Antoine Claraman) et il m'a vue chanter...»

Mais Lulu n'avait plus confiance en elle. Peu à peu, son mari la convainc de faire de petits spectacles à Hambourg, dans un café tenu par un couple d'amis gais turcs (ça ne s'invente pas!) «Et j'ai finalement renoué avec le désir de chanter.» Et de se produire sur scène.

Elle sera ainsi le 28 juin au Festival international de jazz de Montréal avec le Montreal All City Big Band. Comme elle l'avait d'ailleurs fait sur la grande scène du Festival en 2008: «Christian Morissette était trompettiste dans mon groupe, explique-t-elle, mais c'est aussi un professeur de big band. Il me demande un moment donné si j'accepterais d'aller chanter au concert de ses étudiants finissants. Je dis oui, avec plaisir, et c'est vrai que c'était plaisant. Il a choisi tous les meilleurs étudiants dans les universités et écoles de musique et il a monté le Montreal All City. Depuis deux ans, on a continué.

«Et après deux disques en français, poursuit-elle, j'ai décidé de faire des tounes en anglais, pour me faire plaisir égoïstement. J'ai même traduit en anglais Crazy Mama, que j'avais écrite en français. J'ai choisi plein de chansons que j'aime. On n'a pas eu de subvention parce que c'est en anglais (son producteur est André di Cesare), je trouve ça très courageux de sa part de miser sur moi.»

Mais c'est ce dont elle avait envie: chanter, dans des arrangements complètement différents, des chansons qu'elle aime, pas nécessairement des archi-connues «La seule que n'ai pas choisie, c'est Respect, parce que je trouvais que c'était trop facile pour moi, je l'ai tellement chantée... Mais le monde autour de moi a insisté et j'ai accepté.»

Il y a plein d'autres chansons que Lulu aime. Elle va les chanter en spectacle. Et voir de quoi l'avenir sera fait, entre deux continents, un bébé, des couches et plein de musique. C'est Crazy Lulu, après tout.