Coup de fil à New York, ville d'adoption du chanteur de soul indie Jamie Lidell. Autour de midi, le jeune Britannique sort du lit. «Je devrais être cohérent à ce stade de la journée...» ricane-t-il, la voix enrouée par le sommeil. Il sera question de Compass, son quatrième album studio, de la tournée qui s'ensuit et de son escale montréalaise au festival Osheaga. Escale et album attendus, car Jamie Lidell est l'une des voix proéminentes de sa génération.

Esprit singulier doté d'un organe vocal hors du commun, Jamie Lidell s'est imposé parmi les chanteurs les plus libres de la planète pop.

 

«Vous savez, tient à préciser l'homme de 36 ans, j'ai toujours été intéressé par plusieurs genres musicaux. Luther Vandross et Tom Waits font tous deux partie de mes références, si vous voyez ce que je veux dire. Et ce nouvel album m'a permis d'explorer, bien au-delà de l'idée que je me faisais de mes propres goûts.»

Luther Vandross et Tom Waits, donc. Comme si, à l'échelle locale, un chanteur émergent vous apprenait qu'il prend pour modèles Plume et Mario Pelchat. Voyez l'énergumène?

«J'ai grandi dans le top 40, il n'y avait pas beaucoup de musique dans la maison. C'était assez mainstream chez moi, il y avait la radio et je devais me rabattre sur les quelques albums de ma soeur. Puis, adolescent, j'ai vécu les raves avec tous ces sons inédits. Et puis les boîtes à rythmes et les synthés furent rapidement récupérés dans la pop culture. La pop absorbe si vite l'underground. Et pousse l'underground à changer de son. C'est toute la beauté de l'affaire.»

Ainsi, Jamie Lidell a saisi comment éviter les pièges de la pop comme ceux de l'underground. Et que sa zone de prédilection se situerait exactement entre les deux autres. Ainsi, la soul indie de Jamie Lidell ne correspondrait en rien à celle de ces chanteurs polis que certaines dames rêvent d'avoir pour neveu. Depuis une dizaine d'année, il connaît une ascension sûre, quoique son côté iconoclaste ne lui confère certes pas le statut d'un Rick Astley!

Muddlin Gear en 2000, Multiply en 2005, Jim en 2008, et voilà Compass, lancé mondialement le 18 mai. Comment Jamie Lidell s'y est-il pris cette fois? À Los Angeles, Beck a été le premier passeur.

«Nous avons d'abord travaillé dans le studio de sa demeure. Nous avons créé des esquisses, sauf une chanson entièrement conçue sur place: Coma Chameleon. Puis nous sommes passés dans un plus grand studio, où nous avons enregistré intensément pendant deux jours. Beck travaille vite et bien. À chaque minute d'une session, il te fait réaliser tout le potentiel d'un studio d'enregistrement.»

Cela étant, Jamie Lidell a préféré continuer seul. «Nous avions quelques différences de point de vue... mais il s'est montré très compréhensif. Il m'a vraiment aidé à démarrer l'affaire que j'ai continuée aux côtés de ma copine, Lindsay Rome. Elle a une excellente oreille, ce qui m'a aidé à rester sur la bonne voie.»

Le personnel de cet album, fait observer le principal intéressé, est relevé à souhait: Beck Hansen, Leslie Feist, Chilly Gonzales (avec qui il a déjà partagé la scène à Montréal), Chris Taylor (Grizzly Bear), pour ne nommer que les plus célèbres.

«Beck, m'a fait rencontrer le batteur James Gadson, figure centrale d'une bonne partie de l'album. Je dirais même que son travail en est le fondement du son. Le claviériste Brian Lebarton, le directeur musical pour la tournée de Charlotte Gainsbourg, y est aussi pour beaucoup.»

Autre figure importante de Compass: Feist. «J'avais participé à la création de The Reminder (son troisième album), ce fut pour moi une expérience marquante. Ainsi, je l'ai invitée à mon tour», explique Lidell.

Vers la fin du processus, Chris Taylor est entré en jeu à son tour. «Il était alors en tournée avec Grizzly Bear, j'ai pu l'attraper quelques jours pendant la pause. Il a eu d'excellentes idées, nous avons mixé ensemble. Intense! Je suis très heureux car j'aime beaucoup le son de Grizzly Bear, qui n'a rien de conventionnel, c'est vraiment approprié pour mon propre travail.»

En, somme, fait-on observer au chanteur anglais, ce Compass est un album américain, d'autant plus qu'il se décline sur scène avec de jeunes bardes états-uniens.

«C'est vrai, je passe le plus clair de mon temps sur ce continent. J'ai vécu dix ans à Berlin. Aujourd'hui, il y a beaucoup d'Amérique dans ma vie. J'habite New York et Brooklyn est le centre de l'univers.»