Sur scène, il se vêt comme la star américaine Michael Jackson, danse comme lui et se prénomme comme lui depuis près de 20 ans au Gabon: Michael Anicet jure de maintenir allumée la flamme du roi de la pop, par la danse. «Je lui dois beaucoup», dit-il à l'AFP.

«Comme tous les jeunes de mon âge, je suis tombé sous le charme de Michael Jackson: sa manière de bouger, sa gestuelle, son look et tout. J'ai décidé de l'imiter», explique le danseur 34 ans, populaire dans son pays où peu le connaissent sous son vrai nom: Jean Anicet Ngadi.

«Quand Michael Jackson est venu ici en 1992, j'étais au lycée, j'ai séché les cours pour aller l'accueillir à l'aéroport», ajoute cet autodidacte, faux maigre aux cheveux ras, teint noir, pommettes hautes et mâchoire carrée, avant une répétition dans une salle de gymnastique à l'Ancienne Sobraga.

À son arrivée à Libreville l'artiste africain-américain avait eu droit à un accueil d'une rare intensité et un surnom local: Mickala Jackson.

Pour Jean Anicet, le sort en est jeté. Il passe son bac technique puis se lance dans la danse, seul, «pour le plaisir et par fanatisme», au grand dam de ses parents.

En 1993, un succès inattendu à un spectacle dont il était un invité de dernière minute le pousse à créer son groupe, avec sa soeur cadette et une voisine. «C'est parti comme ça», de concours en prestations diverses, jusqu'à 2002. «J'ai été sacré Michael Jackson du Gabon» à l'issue d'un concours de sosies, raconte l'homme, à la popularité croissante dans la région.

Jumeau d'une fratrie de sept enfants, il est agent municipal le jour. «Mon job, je le dois à Michael», indique-t-il. Un candidat aux municipales, subjugué par sa prestation lors d'un meeting, l'a embauché une fois élu.

L'après-midi, il est professeur de danse. Sur scène, il «devient» Michael Jackson, de la tête aux pieds en passant par sa garde-robe et des perruques: afro, bouclée ou lisse, selon la période interprétée...

Dans ses chorégraphies, il reste fidèle à son idole, s'autorisant de temps à autre un zeste de salsa, comme dans son duo introductif de Thriller avec la sculpturale Anna Faye, ou de «jazzé», dernière danse gabonaise à la mode.

Hors scène, il est Monsieur tout le monde, à l'exception de sa démarche, qui reste «jacksonienne». «Je ne m'en rends pas compte. Mais Michael est dans ma vie de tous les jours».

À son domicile au PK10 (banlieue) auquel mène une ruelle escarpée, il a organisé une veillée funéraire «comme le veut la coutume» après le décès de son idole, en juin 2009. Des posters de l'artiste sont collés aux portes. Au salon, une photo de Jackson trône au mur... au-dessus de celle de Ngadi père, et sa sonnerie de téléphone est un tube de Jackson.

«Je lui dois beaucoup. Aujourd'hui, ce sont mes prestations qui me permettent de joindre les deux bouts. Depuis deux ans, mon salaire ne tombe plus» pour une histoire de grève, précise Ngadi. Dans le groupe de danseurs dont il est le chef, figurent un militaire, un travailleur des BTP, un infographiste.

En janvier à Libreville et février à Franceville, il a organisé des spectacles en hommage à son idole.

Son rêve, c'est de donner à la danse - incluant celle de Jackson - l'organisation et la considération qui lui manquent au Gabon, avec notamment une fédération et l'inscription comme discipline scolaire obligatoire.

«Mais je ne m'inquiète pas. La relève est déjà là», assure-t-il, montrant un de ses neveux. «Scott Jackson», 11 ans, lui aussi, bouge comme Jackson sur des succès ayant deux fois et demie son âge.