À la fin de 2008, la direction du Festival international de musique actuelle de Victoriaville nous a appris contre toute attente que l'événement printanier sauterait l'année 2009. La pause est bel et bien terminée pour cet événement-phare, enfin celui qui a longtemps éclairé le champ gauche des musiques nouvelles.

Prévu du 20 au 23 mai, le 26e FIMAV propose à son audience prodigue une vingtaine de programmes substantiels, répartis sur quatre jours au lieu de cinq, présentés au Cinéma Laurier ainsi que dans deux espaces reconfigurés au Colisée des Bois-Francs. S'y produiront Bill Dixon, René Lussier, Kim Myhr, Tanya Tagaq, Aun, Michel Langevin, Filles Électriques et autres Sam Shalabi.

Michel Levasseur, fondateur et toujours directeur artistique de l'événement, rappelle les motifs de ce retrait volontaire du marché avant de passer aux bonnes nouvelles.

«Nous devions nous arrêter à cause de l'épuisement structurel de notre organisme. Nous avions réalisé le 25e FIMAV avec sensiblement le même budget que celui du 20e, soit environ 650 000$. À toutes fins utiles, nous n'étions plus en croissance. Lorsque nous avions atteint notre auditoire record en 2001 avec 7000 entrées payantes, nous avions connu de gros problèmes d'hébergement, vu le manque d'infrastructures hôtelières. Nous avons atteint les limites intrinsèques à notre région. Pendant ce temps, l'offre de musique actuelle a changé au Québec, avec pour conséquence des baisses sporadiques de nos auditoires jusqu'à 5000 entrées, pour atteindre finalement 6000 au 25e anniversaire.»

Levasseur souligne ici une variable très importante: longtemps, le FIMAV a été le seul à pagayer dans les courants forts de la musique actuelle. Ce n'est plus le cas: Elektra, Kinetik, Mutek et les Suoni Per Il Popolo sont présentés tour à tour sur les scènes montréalaises durant la même période de l'année - les mois de mai et juin. Ainsi, les musiques d'avant-garde peuvent compter sur une chaîne de festivals montréalais, pendant que Victo essaie de garder le cap. Comment y parvenir? On imagine Michel Levasseur et son équipe remuer fréquemment leurs méninges afin de créer une offre aussi singulière qu'attractive.

«À toutes fins utiles, soutient le directeur artistique, il est devenu aussi difficile de tenir ce festival à Victoriaville que ça l'était à nos débuts. Au début des années 80, personne ne connaissait les genres de musiques que nous mettions de l'avant, nous étions assez uniques. Nous avons dû rajuster notre tir en posant un geste radical: stopper les machines pour redynamiser notre programmation et stabiliser notre financement en concluant des ententes à long terme avec nos subventionneurs - sauf le ministère du Patrimoine Canadien qui ne s'est engagé que pour une année.»

Bien vivant

En 2010, donc, le FIMAV est bien vivant et instaure même de nouvelles pratiques. «Cette pause nous a permis entre autres de revenir avec une proposition d'éléments hors concerts, c'est-à-dire des installations sonores dans l'espace public: Empreintes d'Yves Daoust dans la Place Sainte-Victoire, diffusion spatialisée sur la piste cyclable de l'oeuvre La vie mode d'emploi d'André Pappathomas (assortie d'un concert de chant choral sous sa direction), sans compter l'installation d'Éric D'Orion présentée au Théâtre Parminou - Solo de musique concrète pour six pianos sans pianiste. Ainsi, ce petit circuit d'installations pourra toucher à la fois la population locale et les festivaliers venus d'ailleurs.»

Pour ce qui est de la programmation en salle, c'est-à-dire le noeud du FIMAV, Michel Levasseur estime que la pause a été d'autant plus salutaire.

«On arrive avec des concerts en salle qui étonnent... et qui sont un peu difficiles à vendre. Près de 50% de cette programmation est québécoise, du jamais vu chez nous. Non, ce n'était pas une question d'argent, mais bien un choix pour la force créative et la diversité de l'actuel contenu québécois.»

Il va sans dire que des dizaines de musiciens de renommée internationale sont aussi attendus à Victoriaville le week-end prochain, de la chanteuse inuit Tanya Tagaq au trompettiste américain, visionnaire (et octogénaire) Bill Dixon en passant par le guitariste norvégien Kim Myhr.

L'offre est sur la table, on attend maintenant la réponse du public.

Le Festival international de musique actuelle de Victoriaville, du 20 au 23 mai. Pour infos supplémentaires: www.fimav.qc.ca.

 

TROIS SUGGESTIONS

Lydia Lunch et Philippe Petit, Aun et Michel Langevin

Vendredi 21 mai, 22h, Colisée des Bois-Francs

Depuis plus de trois décennies, l'Américaine Lydia Lunch s'est construit un personnage d'iconoclaste qui en impose pour ses étrangetés gothiques et grands écarts entre vulgarité et troisième degré. Elle partagera la scène avec l'improvisateur et électroacousticien Philippe Petit. Ex-Jardiniers, DJ pionnier de l'électro à Montréal, féru de rock industriel et de drone music, Martin Dumais a choisi le pseudonyme Aun, désormais sa seule bannière. Ses drones texturaux et dramatiques sont chargés de guitares, violon et lutherie électronique. Pour l'occasion, Aun sera accompagné par nul autre que Michel Langevin, fameux batteur de Voivod qui multiplie les collaborations par les temps qui courent - le dimanche 23 mai, on aura d'ailleurs l'occasion de l'entendre au FIMAV parmi les «7 têtes» du guitariste et compositeur René Lussier, illustre résidant de Saint-Fortunat (à deux pas de Victo) qui réunira aussi sur scène Marianne Trudel au piano, Martin Tétreault aux tables tournantes, Nancy Tobin aux bidules électros, Lori Freedman aux clarinettes et (oui oui!) Fred Fortin à la basse.

Bill Dixon

Samedi 22 mai, 22h, Colisée des Bois-Francs

Sans conteste, le trompettiste Bill Dixon est l'un des grands leaders esthétiques du jazz contemporain - professeur, peintre, fondateur du Jazz Composers Guild, initiateur de l'October Revolution in Jazz en 1964, collaborateur de Cecil Taylor, Archie Shepp et tant d'autres. Étonnamment, l'octogénaire afro-américain traverse une des périodes les plus créatives de sa longue vie et propose encore l'inédit aux festivaliers de Victo: Tapestries for Small Orchestra regroupe les trompettistes Graham Haynes, Stephan Haynes, Taylor Ho Bynum et Rob Mazurek, la violoncelliste Glynis Lomon, les contrebassistes Michel Côté et Ken Filiano, le vibraphoniste et percussionniste Warren Smith.

Tanya Tagaq

Dimanche 23 mai, 20h, Cinéma Laurier

Elle enregistre sur le label de Mike Patton, elle a été invitée par Björk à participer à son projet vocal Medulla (en 2004) et certains concerts, elle a aussi chanté pour le Kronos Quartet. Originaire de Cambridge Bay au Nunavut, l'Inuite Tanya Tagaq procède d'un furieux mélange de vocalises d'avant-garde, de jeu de gorge et d'attitude rock pour ainsi redéfinir le chant à sa manière. L'accompagneront sur scène le violoniste Jesse Zubot (Fond Of Tigers, etc.) et le batteur Jean Martin (Barnyard Drama, etc.).