Mercredi dernier, pendant que le Canadien faisait des miracles à Washington, le rappeur-businessman K-Maro faisait oeuvre de charité en organisant un multiple lancement - nouvel album, nouvelle collection de vêtements - au profit de l'hôpital Sainte-Justine, au Théâtre Olympia. Une vraie première expérience de scène, avec orchestre complet, pour le rappeur né au Liban, plus habitué au travail de studio et au brassage d'affaires.

«J'en ai marre. Je pense que je vais déménager», peste K-Maro pendant qu'on marche, en plein soleil, vers les bureaux de K-Pone inc., sa petite entreprise. «Je pense m'installer dans le Plateau; ça bouge bien, dans ce quartier.»

Nous sommes rue Notre-Dame, dans le Vieux, à un jet de pierre de la Basilique. Le capharnaüm: le périmètre entier est un vaste chantier à ciel ouvert, le bruit, la poussière, les rues barrées, «jamais moyen de trouver du stationnement, et lorsqu'il y en a, les gens à qui on donne rendez-vous doivent en plus payer», ajoute-t-il en tenant la porte de l'ascenseur menant à son étage, le troisième. Passé la réception, un couloir, la salle de démonstration de sa collection de vêtements, «un peu en désordre parce que des collections sont déjà parties», puis la salle de réunion où on sera tranquilles pour l'entrevue.

Bienvenue chez Cyril Kamar, alias K-Maro, success-story du rap d'ici qui, dès qu'il a pris le chemin des palmarès de France, a pleinement assumé son virage pop. «Je ne suis pas le seul, argue-t-il. Les Black Eyed Peas, Kanye West, même Jay-Z, tiens, c'est de la pop. Pas parce qu'il est moins underground dans ce qu'il dit. C'est parce que la musique urbaine s'est démocratisée, elle a fini par savoir s'y prendre pour rejoindre un plus vaste public.»

C'était il y a six ou sept ans. Après l'aventure, peu concluante, convenons-en, du duo rap-pop LMDS. K-Maro solo sort I am à l'ancienne, un premier album concocté avec son complice musical Louis Côté, qui possède une petite bombe que les Français allaient enfin découvrir lorsqu'elle serait reprise en 2004 sur le deuxième disque, La Good Life. Femme Like You le propulse: le single s'écoule à plus de 750 000 exemplaires, et tire l'album à plus de 650 000. L'année suivante, Million Dollar Boy atteint les 300 000 albums vendus en France.

01.10 est, en excluant l'album Platinum Remix, son quatrième album en français - Perfect Stranger, en anglais, lancé il y a deux ans, porte un titre visionnaire: personne ne l'a remarqué...

Toujours épaulé par Côté, K-Maro a réussi à hisser dans nos palmarès une autre de ces chansons pop à saveur dance-électro dont il semble avoir le secret: Music. «Je voulais créer un projet hybride, un peu différent tout de même ce que j'avais fait. J'ai réuni mon équipe, leur ai donné mes consignes: je ne veux pas de samples. Écoutez Daft Punk. Écoutez le côté électro de Muse. Pour les claviers, un son comme celui de Empire of the Sun.» Le plan était sur la table.

K-Maro sait ce qu'il veut. Pendant presque une heure, on discute davantage de produit, de clientèle, de marketing, de partenariat, de réunions de production, que de musique, à proprement dit. Ce type-là a réussi en musique, mais il en a profité pour transformer ça en quelque chose qui le branche peut-être davantage: une entreprise qui, après avoir flirté avec la restauration - il s'est débarrassé de ses clubs à Montréal et Miami, la crise financière le mettant dans une situation fragile, m'explique-t-il -, s'investit autant dans la musique (il gère les carrières de la chanteuse Shy'm et du rappeur Imposs) que dans les vêtements.

Le business, c'est son affaire, bien avant la musique. «Je suis le premier à le dire: on est tous là parce qu'on a des tubes, des bonnes chansons. Point barre. Ça ne se discute pas. Mais il faut les mettre en marché, ensuite. et 99% des artistes n'ont pas cette notion-là. Ce sont des créateurs, pas des hommes d'affaires. Pourtant, moi, je ne vois pas comment l'un peut empêcher l'autre.»

«Ma créativité, c'est un atout, poursuit-il, intarissable sur le sujet. Ensuite, le business, c'est mon trip, je n'ai pas de gêne à le dire. Je ne me ferai jamais envahir par un producteur ou un réalisateur de disques, parce que je suis le gars qui connaît le mieux mon produit. Je ne peux pas avoir l'air du mec qui est seulement business et qui ne connaît rien à l'artistique: c'est moi qui l'ai fait, ce disque. Pourquoi le cacher? C'est dommage que je sois presque le seul qui soit prêt à faire ça, à jouer sur les deux tableaux, business et artistique.»

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HIP HOP

K-MARO

01.10

K-PONE INC.