Il était une fois cinq oeufs métalliques de dinosaures qui, dans un éclair et sous les incantations de sorcières, ont éclos pour donner vie à Hevisaurus, un groupe de heavy metal qui électrise les bambins finlandais.

Les 5-7 ans, accompagnés de leurs parents, sont captivés par ces cinq dinosaures bonhommes et patauds qui s'agitent benoîtement sur scène en produisant un rock lourd mais aux paroles et à un volume adaptés aux plus jeunes.

Tous les codes sont respectés: les costumes bedonnants de joyeux dinosaures sont ornés de longues tignasses, le dino-chanteur vêtu d'un manteau de cuir clouté tient un os en guise de micro, le dino-batteur s'escrime sur sa batterie comme un sourd, le dino-guitariste - qui est en fait un dragon - fait couiner sa guitare dans une cambrure extrême, le dino-bassiste - le seul à être coiffé d'une crête iroquoise - arpente la scène avec ses guêtres en cuir et la dino-claviériste regarde le tout bien sagement derrière un masque au sourire figé, les yeux maquillés et écarquillés.

Cet amalgame loufoque est né il y a deux ans dans la tête «et le coeur» du batteur Mirka Rantanen qui sévit parallèlement dans d'autres groupes, dont le bruyant Thunderstone.

C'était il y a deux ans lors d'un concert pour enfants où il avait amené les deux siens, aujourd'hui âgés de 5 et 11 ans: «Et si je faisais moi-même de la musique pour enfants ? Et si c'était du heavy metal puisque c'est ce que je fais depuis 25 ans?» s'est interrogé celui qui est désormais connu sous le nom de Komppi Momppi le brontosaure.

Sony Music a dit banco et l'inattendu public a rapidement répondu présent: Hevisaurus joue désormais à guichets fermés, tandis que son premier album Jurahevin kuninkaat (Les rois du métal jurassique) est resté dix semaines parmi les meilleures ventes en Finlande.

«C'est ce qu'il y a de mieux, parce que c'est du heavy», assure Rico, cinq ans, rencontré à l'occasion d'un concert du groupe en avril à Hämeenlinna. Rico arbore la panoplie du parfait fan: sweater, chapeau et petit drapeau confectionné par papa à l'éfigie du groupe.

Sa cousine de six ans, Iina, dit écouter Hevisaurus tous les jours et avoue un penchant pour M. Hevisaurus, le tyrannosaure bondissant qui «chante si bien».

Protégé par un casque antibruit, le plus jeune spectateur du concert était ce jour-là un bébé de deux mois dont la sieste n'a pas été le moins du monde perturbée par le spectacle aux décibels adaptés à un très jeune public.

Contrairement à la musique, identique à celle des groupes classiques de heavy metal, les paroles des chansons de Hevisaurus sont directement destinées aux enfants.

Lorsque les devoirs et l'école deviennent fatigants, il est temps de s'amuser un peu en téléphonant à la Lune, en volant sur le dos d'un dragon ou en rigolant avec le monstre Rupu-Rupu qui «sent comme un pot mal rincé».

Hevisaurus n'en est pas pour autant un groupe bâclé. Pour preuve, les costumes sont faits en peau de renne teinte et traitée pour donner l'aspect d'écailles. Un processus de quatre mois pour une facture totale de 18 000 euros.

Malgré tout, le groupe a ses détracteurs dans un pays où le heavy metal est apprécié et qui a vu une bande tout aussi saugrenue, Lordi, triompher à l'Eurovision en 2006. Les adolescents en particulier accusent Rantanen de couler le heavy metal en le mettant à la portée des plus jeunes.

Pas de quoi ébranler Komppi Momppi, ému par ces enfants qui surmontent leur peur pour venir demander des autographes à leurs dinosaures préférés: «maintenant que j'ai vu ce que c'était que chanter pour des enfants, je n'arrêterai pour rien au monde.»