Poirier fait l'actualité ces temps-ci. De retour d'une tournée promotionnelle en Europe, le DJ, producteur et remixeur a lancé, il y a deux semaines, sur le label Ninja Tune, son nouvel album, intitulé Running High. Puis, il y a quelques jours, Ghislain Poirier a relancé le débat sur la vocation du Quartier des spectacles en adressant une lettre au maire Gérald Tremblay, dans laquelle il dit s'inquéter pour l'avenir de la musique dont il s'est fait l'ambassadeur.

«Pwa-Ri-Ay!» comme on dit dans les clubs aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, où on raffole de plus en plus du son de Ghislain Poirier. Le métisseur des musiques de club est célébré d'un continent à l'autre pour ses rythmes aux accents exotiques qui font «bouncer» les mélomanes. Qu'un tel ambassadeur des métissages musicaux vienne de Montréal allait de soi, compte tenu de l'importance de ces musiques d'ailleurs dans notre paysage culturel.

Running High est un brillant exemple de mariage entre les sonorités électroniques occidentales et les rythmes percutants d'Afrique, d'Amérique du Sud et des Antilles. Sur ce nouvel album, le septième en carrière pour le producteur, dancehall jamaïcain et soca trinidadien claironnent pendant les 27 chansons.

Poirier, tel un agent de la circulation à la croisée des chemins, montre la voie: direction plancher de danse, sur l'autoroute des rythmes de danse d'ailleurs. Parlant de cette scène dans laquelle il évolue et qu'il a aussi façonnée (avec les dj/rupture, Diplo, Maga Bo, Radioclit, The Heatwave et cie), Ghislain Poirier a adopté l'appellation «global bass». «Ou World Music 2.0, New World Music, peu importe.»

Fourre-tout de kuduro, cumbia, dancehall, bashment, kwaito, funk de Rio et autres genres qu'on n'a pas encore exploités, voilà l'esprit musical de Poirier et ses collègues. De la nouvelle world music, à la différence qu'on la produit dans son pays d'origine. Pas d'édulcoration dans un studio de Londres ou de New York. Authentique à 100 %, et moderne, ce son, inspiré par le hip hop ou la techno, musiques contemporaines généralement associées au public occidental.

«Ces musiques-là, le funk de Rio, la cumbia ou le dancehall, n'existent pas parce que nous, Occidentaux, en voulons. Elles existent, telles quelles, dans leurs pays. Est-ce que ces artistes qui font du kuduro (musique de club d'origine angolaise) ou du baile funk ont nécessairement besoin de percer aux États-Unis ou en Europe pour continuer à faire leur travail? Ils sont populaires chez eux, parce que c'est la musique qui marche là-bas. Cette musique les amène à tourner partout sur leur continent.»

Dans ce trafic d'influences musicales, Poirier s'estime chanceux. «T'en connais beaucoup, des DJ qui jouent du soca (musique populaire de carnaval caribéenne particulièrement rythmée) devant un public qui ne s'y connaît pas? Je considère que c'est un privilège de pouvoir exposer ce son à un nouveau public.»

On en raffole, de ce son. À preuve, Poirier vit dans ses valises, avec ses disques. Il traversera le Canada en avril, passera mai en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne. L'hiver dernier, c'était l'Australie, un peu les États-Unis. «Ça commence à être trop. On va se calmer un peu dans les prochains mois», dit-il, confirmant entre autres projets de travail deux musiques de film (pour le documentaire québécois United States of Africa, sur le hip hop d'Afrique), une poignée de remixes (dont un pour le combo électro-tango Gotan Project) et une réalisation d'album - celui de son chanteur fétiche et ami Face-T, du groupe Kulcha Connection, qui lance cette année un premier album solo.

Poirier était aussi en nomination pour un prix Juno, dans la catégorie Enregistrement reggae de l'année, grâce à la chanson Wha-La-La-Leng (avec Face-T).