Ça commence à faire du bruit en ville. Le célèbre DJ et producteur Ghislain Poirier n'est pas le seul à s'inquiéter. La récente intervention des policiers à la Société des arts technologiques (SAT), à la suite d'une plainte d'un voisin pour bruit jugé excessif, met en lumière la cohabitation difficile entre les salles de spectacle et leurs voisins.

Sébastien Croteau, directeur général de l'Association des petits lieux d'art et de spectacle, regroupant 18 lieux de diffusion de la musique, confirme que la question du bruit et du voisinage inquiète la grande majorité des membres de son association.

«Avec des amendes pouvant aller jusqu'à 2000 $, disons que c'est un dossier chaud», dit-il.

Déjà, quelques salles sont tombées au combat à cause du bruit: le Café Sarajevo, le Main Hall, le Zoobizarre. Plusieurs autres naviguent en eau trouble à cause des désagréments dont se plaignent les voisins. L'intervention policière à la SAT, sise au coeur d'un Quartier des spectacles pourtant accueillant à l'égard de ce type d'établissement, est la goutte qui a fait déborder le vase, de l'avis de ceux qui, comme Ghislain Poirier, s'inquiètent pour la santé du nightlife montréalais.

«Quand j'ai appris que la SAT avait encore fait l'objet de plaintes durant ce week-end du festival NEON & HighLife, j'étais totalement outré», dit Alexandre Lemieux, agent d'artistes.

«Ce n'est pas possible, poursuit-il, que dans un quartier où on dit qu'on va concentrer les salles de spectacle et les événements culturels, un citoyen puisse avoir une voix aussi importante en regard de ces activités. D'autant plus que la SAT est un lieu névralgique pour notre scène culturelle.»

Mauro Pizzente, gérant de la Casa del Popolo, de la Sala Rossa et du Il Motore, a une position plus nuancée. La Casa et la Sala ont toutes deux eu leurs problèmes de voisinage, «mais on n'en a plus depuis qu'on a réalisé les rénovations», il y a quelques années.

Selon lui, les règlements imposés par la Ville et les arrondissements sont justes: «Si un propriétaire de salle a des problèmes avec ses voisins à cause du bruit, c'est qu'il a des problèmes avec sa salle.» Ce serait à lui d'y voir, croit-il.

Sébastien Croteau espère justement que ces salles puissent recevoir le soutien de la Ville de Montréal. «Plusieurs de ces opérateurs de salles sont locataires, et tous ne font pas énormément de profits, explique-t-il. Leur apport à la vie culturelle est pourtant important. Pour eux, réaliser des travaux coûte très cher; on tente de sensibiliser la Ville en ce sens, pour qu'elle puisse aider financièrement ces lieux à se doter de systèmes de son adéquats ou pour effectuer les travaux d'insonorisation qui régleraient le problème.»

Il n'y a pas si longtemps, Alexandre Lemieux a été confronté aux mêmes problèmes. Le cabaret-spectacle underground qu'il gérait alors sur la Plaza Saint-Hubert, le Zoobizarre, a fermé en septembre dernier, lui aussi à la suite de visites répétées des policiers à cause du bruit. «Un voisin nous avait pris en grippe», dit Lemieux.

Mea-culpa

Monique Savoie, directrice générale de la SAT, accepte tout de même de prendre une partie du blâme pour les circonstances qui ont mené à l'intervention des policiers, il y a deux semaines.

«On fait notre mea-culpa, dit-elle en entrevue. D'abord, le système de son était peut-être installé trop près des vitrines, à l'entrée de la salle; il aurait fallu le mettre au fond de la salle, comme d'habitude. Ensuite, les travaux de réaménagement de la SAT ont sûrement rendu l'endroit plus bruyant.»

Si les travaux doivent être complétés en août prochain, la dalle de béton recouvrant une partie du toit sera coulée demain, ce qui réglerait la «fuite» de bruit. Les prochains événements Komodo Dubs (avec Rob Smith, alias RSD, de Smith&Mighty, ce samedi) et les concerts du festival MUTEK, riches en basses fréquences, devraient servir de test à cet effet.

La levée de boucliers à la suite de l'intervention policière a cependant du bon, juge Monique Savoie, rassurée de constater que certains Montréalais ont à coeur la santé du nightlife et l'orientation qu'on veut donner au Quartier des spectacles.

«Ce que je comprends, c'est qu'il y a des gens qui vivent une frustration à cause des salles qui ont déjà fermé. Il y a une inquiétude, et il faut l'entendre: la vie culturelle se construit aussi avec ces gens qui fréquentent la SAT et d'autres lieux proposant d'autres disciplines. Cette communauté est fragile et elle veut participer au Quartier des spectacles. Ça me fait plaisir, parce que la SAT, je la tiens à bout de bras depuis le début, et là j'entends des gens qui disent: touchez pas à notre SAT!»

Personne à la Ville de Montréal, ni à l'arrondissement Ville-Marie, ne nous a rappelé