Réalisateur et arrangeur de Coeur de pirate, Tricot Machine, Daniel Boucher, etc., le guitariste David Brunet consacre ses temps libres... à la musique. Il a lancé la semaine dernière, en compagnie de ses 14 amis musiciens, l'album Antonio 2, suite de son projet musical Antonio entrepris en 2008. Rencontre avec un gars qui tripe solide.

«J'aime tellement la musique que, quand je ne fais pas de musique, je fais de la musique», lance David Brunet en riant. Le projet Antonio, c'est ça: un beau trip de musique fait par un musicien ferré en musique. Le genre de musicien qui a décidé, pour le deuxième album, d'écrire spécifiquement pour chacun de ses instrumentistes: «Par exemple, j'ai quatre trompettistes dans le groupe, mais chacun a sa personnalité, ses forces. Alors, j'ai écrit une partition différente pour chacun d'entre eux. C'est comme si c'était des personnages d'une pièce de théâtre, qui entreraient sur scène à tour de rôle. Finalement, cet album, c'est comme si j'avais écrit un roman, mais en 150 pages de partition!»

 

Un «roman» étonnant, qui emprunte surtout à la cinématographie, plus précisément au film d'espionnage et au photoroman: «C'est pour cela que je ne veux pas expliquer les titres de mes chansons ou la pochette de l'album: ce sont des histoires plates qui les motivent, alors que celles que les gens se font dans leur tête sont plus intéressantes! Je ne sais pas si c'est effectivement une trame de film d'espion - non, je ne me prends pas pour James Bond! - mais j'espère que les gens perçoivent l'humour avec lequel je fais cette musique. Une chanson comme Swinguette, par exemple, je la trouvais ridicule, mais mes enfants (Clémence et Élie) avaient une réaction de bonne humeur immédiate quand ils l'entendaient. Je les ai donc échantillonnés en train de la chanter, et j'ai tout mis sur l'album, ça fait sourire.»

Habituellement, un disque de musicien met en valeur son instrument de prédilection. Mais bien malin qui pourrait déceler que Brunet est guitariste à l'écoute d'Antonio 2. En fait, s'il n'avait pas la pochette sous les yeux, cet auditeur pourrait plutôt s'imaginer que Brunet est harmoniciste: «C'est Pascal «Per» Veillette qui joue. C'est un phénomène, ce gars-là, qui peut tout jouer, n'importe quelle mélodie, n'importe quelle partition, et improviser en plus. Pendant que je faisais le premier album d'Antonio, huit des musiciens m'en ont parlé, j'ai donc finalement pris le temps de l'appeler pour le deuxième. Et j'ai écrit spécialement pour lui aussi.» Certains de nos lecteurs se souviendront peut-être de l'exceptionnel harmoniciste Claude Garden, célèbre dans les années 70. Pascal Veillette a bel et bien quelque chose de Garden.

Et Antonio 2 a bien des choses qui évoquent les années 70: «C'est parce que j'essaie de recréer la magie que j'éprouvais quand j'écoutais les vinyles de mes parents sur la table tournante, quand j'étais tout petit, explique le musicien de 37 ans. Les disques d'Antonio, c'est tout ce que j'ai écouté depuis 30 ans.» Et non, ce n'était pas du Maneige ou du Pink Floyd, mais plutôt des Beatles ou du Patsy Cline. On trouve même une reprise étonnante de Heartaches, que chantait Miss Cline en 1962, sur l'album, interprétée par le très suave Frank Fuller (alias Lucien Midnight): «La version originale était quasi gogo, mais je trouvais le texte tellement triste, j'ai eu envie d'en faire une espèce de complainte jazz.»

Comment choisit-il les musiciens qui travaillent avec lui? «La première question que je pose, c'est «y est-tu fin, è tu-fine?» Du monde qui joue bien, il y en a en masse. Mais du monde qui joue bien et qui est agréable, c'est pour moi fondamental. Le concept d'Antonio, c'est la gang.» Une gang qui cadrerait tellement bien au Festival de jazz de Montréal...