Encore du rock psychédélique, encore des histoires d'espions, encore un autre superbe disque pour le groupe montréalais Besnard Lakes. Un troisième album qui a été composé avec les fantômes de Led Zeppelin, une chambre à écho et quelques codes mystérieux... On en parle avec la bassiste et chanteuse Olga Goreas.

Ce qu'on entend d'abord, c'est la réverbération et les nappes de distorsion, hypnotiques et éthérées. Puis on remarque un bruissement inquiétant qui hoquette. Des codes morse. «J'ignore ce qu'ils signifient réellement», avoue Olga Goreas.

 

Pendant que le soleil brille dehors, on discute dans la pièce sombre d'un café, à côté d'un lampadaire brisé. «Les codes viennent d'une radio à ondes courtes, poursuit-elle avec son rictus gêné. On n'a pas essayé de les déchiffrer. On trouvait juste que ça ajoutait bellement au mystère.»

Le mystère, c'est l'impression qui se dégage autant des musiques que des paroles des Besnard Lakes. Comme lors du précédent disque, ces textes parlent d'histoires d'espions. «C'est l'inspiration continuelle de Jace (Lasek, guitariste-chanteur), explique sa conjointe Olga. Il y voit une échappatoire à la monotonie du quotidien, je pense. Le sujet est inépuisable. C'est comme un film qui continue de jouer dans sa tête, d'un album à l'autre.»

Vaudou Zeppelin

Encore une fois, la bande a peu répété avant d'entrer au Breakglass Studio de Parc-Extension, qui appartient à Lasek. «Presque tout le travail se passe là-bas. Le studio devient comme le cinquième membre du groupe», raconte Goreas.

On y trouve une chambre à écho, où ont notamment été enregistrées les voix. La salle de contrôle non plus ne contient pas de vitre. Dans cette pièce isolée se trouve un fabuleux nouveau jouet: une grosse console Neve germanium datant de 1968. Lasek l'a achetée sur l'internet d'un studio new-yorkais. Il a fallu défaire un mur pour l'introduire dans le studio. Mais ça valait la peine. Car elle a déjà servi à enregistrer une partie de Physical Graffiti de Led Zeppelin.

«T'imagines! lance doucement Goreas. En studio, on se mettait parfois à rêver. C'est quand même la guitare de Jimmy Page qui a passé par là. Bien sûr que ça m'a inspirée. On sentait son esprit. C'est le principe du vaudou, non? (rires)»

Peut-être est-ce une prophétie qui se réalise. Peut-être que la vieille console n'a rien changé. Peu importe. Une chose est évidente: la musique créée est superbe.

Sans trop détonner de son prédécesseur, ce troisième disque est un peu plus rock. La formation a été réduite de six à quatre membres. On entend moins de cordes et de cuivres. De nouveaux instruments apparaissent, comme de la flûte (discrète), une guitare 12 cordes et un mellotron.

Tous s'imbriquent subtilement dans les 10 extraits de rêveries rock'n'rollesques. Elles sont à la fois célestes, fantasmatiques ou carrément menaçantes. «Je sais, notre musique dégage quelque chose d'ambigu, explique Goreas. Le ton qu'on recherche ressemble un peu aux films de David Lynch. On n'est jamais trop certain de ce qui se passe.»

On se laisse avec une question un peu bête. Que signifie le titre du disque, The Besnard Lakes are the Roaring Night? «Le titre original devait être Let the Night Roar, répond-elle. C'est une phrase de Jim Jones (gourou-boucher responsable du suicide collectif de 900 dévots en 1978 en Guyane). Il l'avait prononcée peu avant que tout le monde boive le Kool-Aid au cyanure (discours disponible sur YouTube). Ces mots sont horribles, terrifiants. Mais en même temps, leur musicalité en font un bonbon auditif. Comme un autre groupe se nommait déjà ainsi, on a changé un peu la formulation. Ça donne are the roaring night. Voilà l'histoire.»