Ils ont fait le tour du monde avec Céline Dion et leur studio d'enregistrement montréalais est fréquenté par quelques-uns des plus grands artistes québécois. Alors qu'ils s'apprêtent à retourner à Las Vegas avec Céline, voilà que Dominique Messier et Denis Savage lancent leur propre compagnie de disques. Rencontre avec deux fous de musique.

Dominique Messier a toujours baigné dans la musique. Jeune ado, il jouait de la batterie sur du rock progressif dans le sous-sol de la maison familiale où son frère François enregistrait des maquettes avec Fabienne Thibault. C'est dans cette maison de la rue St-Just, à Longue-Pointe, qu'ont été jetées les bases de l'un des studios d'enregistrement musical les plus réputés au Québec: les Studios Piccolo. Plus précisément au 1890, rue Saint-Just, comme dans Productions 1890, la nouvelle compagnie de disques que Dominique vient de lancer avec ses trois associés.

 

Parmi ceux-ci, Denis Savage, arrivé à Montréal de l'Abitibi, en passant par Toronto, au milieu des années 80. Sonorisateur de longue date de Céline Dion, Savage a été le directeur de la tournée Taking Chances en 2008-2009, apprenant au quotidien les rouages du métier avec René Angélil. Mais Savage est avant tout un homme de studio et de son, qui tripe mixage et réalisation, et c'est avec joie qu'il retournera derrière la console au Colosseum de Las Vegas, dans un an.

Les chemins de Messier et Savage se sont croisés par hasard dans les années 90, mais ils se sont vraiment connus en 1995 quand Messier est devenu le batteur attitré de Céline. Messier venait d'acheter une ancienne usine, rue Lepailleur, juste à côté du pont-tunnel Louis-H.-La Fontaine, pour y installer la troisième mouture des Studios Piccolo. Savage cherchait justement un local où se consacrer à son travail de studio. Aujourd'hui, leur entreprise compte trois grands studios et peut même accueillir au besoin un orchestre symphonique.

Quand les deux complices ont installé leur équipement à Las Vegas pendant cinq ans à la suite de Céline Dion, leur studio montréalais a continué à rouler, sous la supervision de leur associé René Aubé, que Messier a connu en jouant au hockey au début des années 70 et avec qui il a joué dans le groupe prog Sweet Potatoes Juice Band (!). Le quatrième associé, Gautier Marinof, se consacre surtout au label Productions 1890. «C'est un bon musicien qui a commencé ici comme assistant et est vite devenu un ingénieur du son très demandé, dit Messier. Pour Simple Plan, il a travaillé avec (le réalisateur canadien) Bob Rock et ça l'a allumé.»

Outre Simple Plan, Céline Dion a évidemment ses habitudes aux Studios Piccolo, dont les murs sont ornés de disques d'or et platine ou de photos d'Isabelle Boulay, Daniel Bélanger, Jean Leloup, les Colocs, Lynda Lemay, Garou, Michel Rivard, Ginette Reno, Mes Aïeux et Martin Léon. On y enregistre aussi des musiques de film et des musiques de jeux vidéo que Messier compose. Mais ce n'est pas dans le but d'augmenter leur chiffre d'affaires que les quatre associés lancent un label au moment où le disque se vend de plus en plus mal.

«C'est une passion, dit Messier. Impossible de devenir riche aujourd'hui avec un studio. Les artistes comme Simple Plan qui passent trois mois dans notre studio A, ça n'arrive pas souvent.» «On n'attend pas après ça pour vivre, renchérit Savage. On sait qu'on a été très chanceux et on redonne du temps au monde qui en a besoin.»

Leur premier protégé, le chanteur montréalais Chris Giannini, a été découvert par Gautier Marinof dans un concours. «Gautier a des allégeances très rock et aussi un côté soft qui se reflètent très bien dans l'album de Chris, prévu pour le printemps», mentionne Messier. Plutôt que de s'improviser agents, ils ont confié la carrière de Giannini à quelqu'un qui s'y connaît: Mario Lefebvre, l'ex-bras droit d'Angélil chez Feeling. «Si je m'improvisais agent demain matin, je ne saurais pas le quart des choses qu'il faut faire, dit Messier. Ce qu'on fait, on veut bien le faire.»

Leur autre protégé, Jason Lang, n'est pas un nouveau venu. «On a travaillé avec Jason sur son premier album, rappelle Messier. Il l'avait enregistré en bonne partie chez lui, mais on lui a prêté du temps de studio, on l'a mixé. On lui a proposé un partenariat, le genre de chose que ne font pas les compagnies de disques. On investit temps et argent et on y va!»