Calexico est d'une autre Amérique. Pas celle des Grammy. Pas celle de la radio FM commerciale. Pas celle du top 40. Pas celle de l'isolationnisme. Pas celle du white trash. Encore moins celle des clichés antiaméricains qui viennent à l'esprit. De Tucson, Arizona, le multi-instrumentiste, chanteur, auteur et compositeur Joey Burns mène les destinées d'un ensemble inclusif, en phase idéale avec sa région d'adoption.

«Vous trouvez que Calexico n'est pas un groupe vraiment américain? I like it that way! Oui, nous proposons un autre type de culture américaine. Nous sommes perchés sur une autre branche. Oui, nous avons le sentiment d'appartenir à une communauté d'artistes qui transcendent leurs origines nationales.»

Dans cet immense pays où l'on a encore du mal à distinguer la culture du divertissement, Joey Burns avoue ne pas toujours avoir la vie facile au point de vue de sa santé financière. Mais ne compte pas changer de direction pour autant.

«Nous faisons partie de cette mouvance de créateurs qui ne se préoccupent pas de devenir immensément populaires. Ça n'a jamais été une motivation. Nous nous estimons d'ailleurs très chanceux d'avoir trouvé un auditoire assez considérable pour nous faire vivre et nous permettre de relever de nouveaux défis artistiques, dit-il.

«Notre auditoire est stable et constitué de vrais amateurs de musique. Nous leur sommes très reconnaissants de nous permettre de poursuivre l'aventure, tout en restant vrais avec nous-mêmes. Nous apprenons de notre public, il apprend de nous. Idem avec les médias: les interviews ne sont pas accordées sur la défensive, nos conversations avec les journalistes ne comportent pas les caractéristiques du star-system. Le processus demeure très ouvert.»

Lancé à l'automne 2008, l'album Carried to Dust, le dernier de Calexico, occupera une place importante au festin de Montréal. D'aucuns ont conclu à l'un des opus les plus concluants depuis les débuts de la formation en 1996. Joey Burns en est d'ailleurs très fier.

«Après un certain nombre d'années de travail créatif, dit-il, nous savions ce que nous pouvions faire de mieux: rester ouverts à l'expérimentation, inviter des artistes à nous surprendre, trouver de nouvelles approches afin d'écrire nos nouvelles chansons, s'inspirer de nos voyages.»

Inclassable

Absolument inclassable, Calexico intègre plusieurs genres à ses chansons: écriture, improvisation, rock indie, jazz, norteño, tex-mex, reggae, mambo, mariachi, électro, on en passe. Ses membres sont issus de différentes communautés établies à Tucson, ainsi qu'en Arizona, ce qui catalyse d'autant plus cet éclectisme assumé. On se souviendra que des auteurs-compositeurs français, parmi les plus réputés, ont fait appel à leurs services: Jean-Louis Murat et Dominique A.

«Nos collaborations, ajoute Joey Burns, peuvent être électroniques avec Goldfrapp. Nous pouvons collaborer à des remixes avec le Gotan Project ou avec le Nortec Collective. Travailler à la création de bandes originales comme celle de Circo, un film documentaire consacré à un cirque familial du Mexique. Le producteur Michael Mann a utilisé plusieurs de nos chansons, idem pour la série The Sopranos. Demain, j'ai rendez-vous avec le leader du groupe tropicaliste Os Mutantes, une autre rencontre est prévue avec le bluesman Amos Lee. Je fonctionne à l'instinct, je fais confiance à mes amis. Des choses intéressantes finissent par se produire.»

Pour le concert montréalais, Calexico s'amène avec un personnel de Tucson, dont la scène musicale est de plus en plus diversifiée selon Joey Burns, un natif de Montréal qui a grandi à Los Angeles avant de s'établir en Arizona il y a 16 ans.

«Sauf Paul Niehaus, dit-il, le joueur de pedal steel guitar qui vient de Nashville, tous les musiciens résident à Tucson. Musicien incroyable, le pianiste et accordéoniste Sergio Mendoza fait aussi dans la salsa et le mambo. Jacob Valenzuela est un trompettiste très inspiré par le jazz, très habile dans l'improvisation. Michael Carbajal, l'autre trompettiste du voyage, a joué dans plusieurs formations salsa. Le batteur John Convertino et le bassiste Chris Giambelluca vivent également à Tucson.»

Ce brassage de cultures dans Calexico, insiste Joey Burns, se manifeste aussi par les origines ethniques des membres. Et n'a rien d'une stratégie consciente.

«Nous ne nous posons pas des défis d'ordre stylistiques, nous ne disons pas, bon, essayons de créer une chanson country dans le style d'Ennio Morricone! Ce que nous proposons émerge naturellement du processus créatif. Quiconque veut créer ne doit-il pas fonctionner ainsi?»

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Dans le cadre de Montréal en lumière, Calexico se produit demain au Métropolis, 20 h. En ouverture: The Great Lake Swimmers.