Jill Barber a longuement fréquenté les côtes de chaque extrémité canadienne. Elle est pourtant issue du centre, enfin presque : Toronto. On dit que la chanteuse a choisi une trajectoire de type pop indie. On a pourtant une forte impression de pop classique à la première écoute de Chances, son plus récent album.

Vous savez, ces chansons romantiques que prisaient des adolescents de l'après-guerre, cette époque où le rock était à la pouponnière, côtoyait le country ou même le swing. Le genre de mélodies qu'éructaient les juke-box au casse-croûte du coin, pendant que les ados s'y embrassaient entre deux mâchées de gomme. Vibrato très fifties, timbre très particulier, un organe qui ne manque pas de puissance. Nostalgie ? Et pourtant...

Un soir de juillet, en plein marathon festivalier, on a 50 minutes de pause devant soi, et on aboutit droit devant Jill Barber qui triomphe à l'Astral. On se rend compte alors que le personnage est fort différent. Plus moderne. Plus proche de l'attitude rock. Plus déjanté. Encore plus théâtral. Magnétique à n'en point douter.

On se rend compte que Jill Barber a déjà un solide bagage, c'est-à-dire des centaines de concerts déjà donnés et quatre albums à son actif: A Note To Follow So (2002), Oh Heart (2004), For All The Time (2006), Chances (2008). On réalise alors que l'éminent Ron Sexmith lui écrit des textes; qu'elle écrit et compose elle-même.

Cette découverte tardive est bien assez concluante pour la rencontrer. Un vendredi de janvier, Jill Barber est en tournée promotionnelle à Montréal, quelques jours avant de revenir y chanter. Un rendez-vous est fixé, on appréhende une drôle de créature, le genre romantique exacerbé, le genre fantasque. Et pourtant... Elle se présente sans maquillage ni vernis à ongles, sans artifices. Courtoise. Posée. De surcroît, très jolie.

Différent sur scène

Parlons-lui de son dernier album, de ces somptueux arrangements, de ces pastiches de pop culture qui rappellent les séances d'Owen Bradley et autres grands réalisateurs de l'intérieur des terres il y a de ça un demi-siècle. Pourquoi est-ce si différent sur scène?

«Ce n'est pas très pratique de voyager avec une section de cordes composée de 12 instrumentistes, répond la chanteuse. Nous voyageons avec un groupe de six personnes. En fait, je fais des disques pour me rendre sur scène. Je préfère la magie de la spontanéité et du moment présent. Enregistrement et spectacles sont des pratiques totalement distinctes.»

Plus sauvage devant public? Plus déjantée? Elle opine du bonnet. «Oui, c'est plus vivant, il y a une énergie très difficile à capter en studio.»

Chose certaine, Jill Barber refuse d'être scotchée à quelque classicisme pop. «Je veux être considérée comme une artiste de mon temps, une voix de mon époque. Ce qui n'exclut pas mon envie d'incarner les romantiques pleins d'espoir. Il y a toujours à dire sur l'amour, ce thème universel est inépuisable, mais... bien sûr, avec un certain sens de l'humour. «

«Quand nous avons fait Chances en 2008, nous avons constaté quelle avenue nous avions prise une fois en studio. O.K., avons-nous admis, c'est là que les chansons veulent aller, allons-y. Ce fut un bon choix. Ce que je trouve irrésistible des musiques populaires de ces époques, c'est leur côté fantaisiste, rêveur. Très riches harmoniquement et mélodiquement. Tout finit par revenir, n'est-ce pas?»

Inspirée par son frère

Le «nous» qu'utilise Jill Barber inclut Les Cooper, son «collaborateur de toujours». Effectivement, le guitariste écrit à ses côtés, arrange et réalise. «He's my guy. Il tourne avec moi, il est capable d'écrire de très bons arrangements pour cordes. Une bénédiction.»

Jill Barber a grandi dans la région de Toronto où sa famille vit toujours. Matthew Barber, son frère aîné qui est aussi un auteur-compositeur-interprète «extrêmement talentueux», fut un modèle pour elle : «C'est grâce à lui que j'exerce ce métier. J'ai appris la guitare sur la sienne; il était gaucher, je suis devenue gauchère. Il a étudié la philosophie, j'ai fait de même. Tout ce que je fais dans ma vie adulte s'inscrit dans son sillon.»

Enfin, pas tout à fait. Pour un homme, Jill Barber a quitté Toronto pour Halifax. Pour un (autre) homme qu'elle a marié, elle a quitté Halifax pour Vancouver où elle vit actuellement. « J'ai suivi mon coeur, pour l'amour comme pour les chansons. «

Elle aura 30 ans le 6 février prochain, le soir où elle chantera à Rimouski. Très peu probable qu'elle s'y installe, cependant! Et pourtant...

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Dans le cadre de sa programmation «Jazz à l'année», le FIJM présente Jill Barber, mercredi prochain à l'Astral.