Pour résumer la double personnalité de Francis d'Octobre, dont le premier album d'auteur-compositeur-interprète est lancé mardi, rien ne vaut cette petite anecdote: quand il étudiait la batterie à l'université, tous ses copains écoutaient le travail du drummer hero Dave Weckl, alors que lui s'intéressait à... Georges Brassens!

Francis d'Octobre vient m'ouvrir la porte de La Traque, édifice rempli de studios de répétition où Malajube, Alfa Rococo, Misteur Valaire, Yann Perreau et plein d'autres artistes et groupes travaillent en toute tranquillité, rue Dandurand (près de «la track» de chemin de fer...), édifice qu'il gère avec le guitariste-bassiste Pierre Chamberland. Lui-même musicien fort en demande - Francis a travaillé aussi bien avec les Tireux d'roche, Catherine Major (ils ont formé un couple il y a quelques années et se produisaient à l'époque en duo), Andrea Lindsay, Alfa Rococo, Louise Forestier et bien d'autres, le jeune homme a l'air discret. Qu'on ne s'y méprenne pas: même s'il a choisi pour nom de scène Francis d'Octobre et qu'il a baptisé son premier album Ma bête fragile, c'est en fait un sympathique bulldozer aux allures discrètes.

Il est «fait fort, Francis d'Octobre, avec sa voix qui évoque un peu celle d'un Jean-Louis Murat. Chaque fois qu'il a participé à un concours, les observateurs ne donnaient pas cher de sa peau. Et pourtant, envers et contre tous les sceptiques, il a travaillé, fouillé, cherché, tâté et concocté Ma bête fragile, 10 chansons aux mélodies instantanément fredonnables, aux textes sentis et oniriques, aux arrangements parfois étranges - mais toujours agréables. C'est lui qui a tout fait, tout en coréalisant l'album - album rempli de bonnes petites idées parce que le gars sait comment faire un disque, depuis le temps qu'il réalise et joue sur ceux des autres. Mais quand même, comment a-t-il résisté aux commentaires pas toujours positifs au fil des ans et des concours - on l'a même accusé d'être un «bluffeur» ? C'est avec un sourire franchement serein que Francis d'Octobre répond: «Moi, j'ai toujours fait de la musique, j'ai toujours fait de la chanson, j'écris depuis l'âge de 15 ans (il en a aujourd'hui 32)... Je ne suis pas passé de batteur à chanteur: j'ai toujours chanté. Ça ne plaît pas à tout le monde, c'est normal. Mais quand on me juge, je reviens à la plus simple expression qui soit: ce que je fais dans la vie, c'est jouer de la musique. Et le mot «jouer » est important...»

Et du jeu, du plaisir, on en trouve sur son album, qui s'ouvre sur le bruit des rames («La chanson m'a été inspirée par L'histoire de Pi de Martel») et se termine sur un sifflotement souriant. C'est le même gars qui écrit dans sa très jolie et épurée Petite prière de chevet: «On est seul/Si seul/C'est bien comme ça.» Ou qui utilise entre autres le bol tibétain et la flûte à bec dans ses orchestrations: «La flûte à bec, c'est un instrument qui sonne comme l'enfance, qui a quelque chose d'un peu naïf et touchant. L'idée de l'utiliser m'est venue en écoutant de la musique avec des amis en Europe, qui aimaient beaucoup le groupe Herman Düne... Maintenant, je ne pense pas que tout le monde va entendre cette influence. Ou celle de Daniel Bélanger, dont l'album Quatre saisons dans le désordre (1996) a été vraiment important pour moi, il me prouvait qu'on pouvait chanter en français et faire de la musique écoeurante. Ou la musique latino-américaine, que j'ai beaucoup écoutée. Ou Arcade Fire. Ou Bon Iver, récemment. Mais tout ça est là.»

S'il a choisi de transformer Francis Roberge-le-musicien en Francis d'Octobre-le chanteur, c'est pour marquer la différence: «C'est ma blonde qui a trouvé ce nom, tout simplement parce que je suis né en octobre et parce que je fais une musique automnale. Quand je joue de la batterie, c'est une récréation, c'est hyper tribal, c'est le corps qui parle, l'âme qui est en transe. Quand je chante, et que je suis à la guitare ou au clavier, c'est autre chose qui s'exprime. C'est... la bête fragile qu'on est tous, nos bobos qui deviennent parfois nos forces.»

EN UN MOT

Musicien estimé par ses confrères, Francis Roberge prend le nom de Francis d'Octobre quand il troque la batterie contre la plume et le micro. Finaliste à Granby et aux Francouvertes, le jeune auteur-compositeur lance son premier album mardi, baptisé Ma bête fragile.