Depuis avril, Claude Gauthier, Pierre Calvé, Pierre Létourneau et Jean-Guy Moreau ont donné une cinquantaine de représentations de leur Boîte à chansons et ils ont des engagements jusqu'à l'été prochain. Ils repassent par Montréal quatre soirs, le temps de «noëliser» leur spectacle. Conversation à bâtons rompus avec un joyeux groupe d'amis de longue date.

Sitôt entré chez Robert Charlebois, je me retrouve face au père Noël de la Butte à Mathieu, la légendaire boîte des Laurentides où le metteur en scène Charlebois a trouvé la plupart des éléments de décor pour le spectacle de la Boîte à chansons. Je suis Charlebois au salon où, en plus de son fils Jérôme, qui assure la première partie du spectacle, Claude Gauthier, Pierre Calvé et Pierre Létourneau parlent tous en même temps et rigolent comme ils le faisaient sans doute dans les années 60. Ne manquent que Jean-Guy Moreau et les deux Michel qui les accompagnent: le guitariste Robidoux et le bassiste Donato.

 

«On n'a jamais perdu le vrai contact d'amitié du début», lance Gauthier. «Il y a deux ans, avant qu'on monte ce spectacle, on a fêté Claude Gauthier chez Pierre Létourneau, avec Jean-Guy Moreau», ajoute Calvé. Ce côté «un pour tous, tous pour un» est palpable dans ce spectacle où les quatre artistes rendent un hommage senti et ludique à tous ces petits nids de création de la chanson à texte québécoise qui ont connu leur heure de gloire dans les années 60. «Robert a eu un pif extraordinaire, dit Gauthier. Il y a cinq ou six ans, c'était sans doute trop tôt, et dans cinq ans, ce sera peut-être trop tard.»

Charlebois est de loin le plus verbomoteur de la bande, le plus gamin également, qui multiplie les flashes, les boutades, les blagues et les envolées philosophico-sociales. Plus sérieux mais pas moins volubile, Gauthier cite le surréaliste André Breton et son «hasard objectif» et ajoute: «On devait se rencontrer. Mais il y a aussi les chansons qu'on a écrites dans le temps et qui ont tenu la route.»

Après le déclin des boîtes à chansons, à la fin des années 60, ils ont tous continué à chanter pendant que Charlebois triomphait dans son rôle de rockeur à texte. Gauthier a tâté du cinéma, notamment dans Les ordres de Michel Brault, avant qu'un nouveau public ne l'adopte beaucoup plus tard comme le Charles de Chambres en ville. Calvé a animé la boîte à chansons de l'hôtel Méridien et a même ouvert un atelier d'encadrement pour gagner sa vie. Létourneau s'est mis à écrire pour d'autres, dont Nicole Martin, Donald Lautrec, Jacques Salvail ou Michel Stax. Tous ont subi le creux de vague post-référendaire des années 80. «Tout le monde se cherchait dans les années 80, même Bob Dylan avait des grosses épaules!» lance Charlebois, et tout le monde pouffe de rire.

L'accueil réservé à leur Boîte à chansons leur accroche un sourire. Imaginez leurs têtes quand 800 spectateurs - on en attendait 400 - se sont pointés à Gaspé pour les applaudir et chanter avec eux! La semaine précédente, Charlebois avait renoué avec ce métier pas si facile aux Îles-de-la-Madeleine quand il avait remplacé son fils Jérôme, retenu à Montréal par les FrancoFolies. «J'arrivais de la plage, pas annoncé, avec une guitare empruntée, sans un autre guitariste ou un bassiste pour cacher les trous dans mon jeu, se souvient-il. Le deuxième soir, je me suis planté: je suis arrivé sur scène alors que ce n'était pas mon tour. Les gens m'ont dit: "T'es tellement bon comédien! On dirait que tu n'as jamais mis les pieds sur une scène."»

Leur spectacle de Noël comprend toujours les imitations hilarantes et très à-propos de Moreau qui se substitue aux chanteurs absents, français ou québécois, quand il ne se glisse pas dans la peau de Jean Drapeau, René Lévesque ou René Angélil. Ils ont aussi gardé leur hommage émouvant aux voix féminines qui ont porté la chanson québécoise.

«On n'enlève rien, on ajoute», précise Gauthier, qui chantera évidemment Marie-Noël, écrite avec Charlebois en 1964 et que viennent de leur emprunter Isabelle Boulay et Ima. Moreau y sera pour beaucoup dans cette volonté de «noëliser»la Boîte à chansons, qui passera aussi bien par Bing Crosby, Paolo Noël et Paul et Paul que par une nouvelle chanson dans laquelle Jérôme Charlebois s'engage à résoudre tous les problèmes de la Terre s'il devient le père Noël.

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Noël à la Boîte à chansons, au Studio du Musée Juste pour rire, les 11, 12, 18 et 19 décembre.

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EN UN MOT

La version enrichie pour le temps des Fêtes de ce spectacle qui est au moins autant une affaire de plaisir et d'énergie que de nostalgie.