Si les musiciens qui accompagneront John Mayall au Métropolis demain soir ne portent plus le nom des Bluesbreakers, ce n'est pas parce que l'héritage des groupes mythiques de Mayall dans les années 60 est trop lourd à porter. Oubliez Eric Clapton, Peter Green et Mick Taylor, c'est à cause de Buddy Whittington, Joe Yuele et Hank Van Sickle (!) que Mayall a retiré le nom des Bluesbreakers.

«J'ai joué avec Buddy, Joe et Hank pendant deux décennies et ça serait injuste que d'autres portent le nom des Bluesbreakers après eux, explique John Mayall au téléphone. Ils étaient les Bluesbreakers et aujourd'hui, j'ai la liberté de choisir de nouveaux musiciens et de faire les choses à ma façon.»

Si le vénérable bluesman britannique apprécie autant son groupe des années 90, c'est aussi parce que les Clapton, Green et autres Taylor n'ont fait que passer parmi ses Bluesbreakers. Ainsi le voulaient les folles années 60 où ses groupes se séparaient aussi vite qu'ils se formaient. Ça lui aura quand même permis d'acquérir une réputation de pionnier au flair remarquable pour recruter des musiciens prometteurs.

Mayall précise toutefois que le hasard a joué un rôle important dans la formation de son nouveau groupe. «Buddy (Whittington) m'a présenté le guitariste Rocky Athas, il y a longtemps et j'ai conservé son numéro de téléphone, raconte-t-il. Rocky et Buddy sont du même patelin au Texas. Greg Rzab, le bassiste, avait travaillé avec Rocky et c'est lui qui m'a suggéré le batteur Jay Davenport dont je n'avais jamais entendu parler. Donc la section rythmique est de Chicago et le guitariste du Texas. Tom Canning (claviériste et complice de longue date sur disque) complète le groupe.»

Mayall fêtera ses 76 ans dans une semaine et il se félicite d'être encore très actif. D'autant plus que d'anciens collègues à lui n'ont pas eu la même chance. Je lui parle de Peter Green, le jeune guitariste surdoué qui a remplacé Clapton dans les Bluesbreakers avant de fonder Fleetwood Mac, et dont la carrière a vite été interrompue par les drogues et la maladie mentale. Green s'est remis à donner des spectacles et à lancer des disques de blues acoustique dans les années 90, mais ce n'était plus le même musicien.

«C'est vraiment dommage, commente Mayall. Peter était parmi les spectateurs au concert pour mon 70e anniversaire (en 2003). Il ne joue pas autant qu'il avait l'habitude de le faire, mais au moins il joue. Il est grandement diminué, je sais. Mais au moins il a survécu.»

Mayall a longtemps eu un sérieux problème d'alcool dont il parle dans la chanson Slow Train To Nowhere de son nouvel album Tough: «Ça fait 20 ans que j'ai arrêté de boire, mais c'est une chanson parfaite sur ce sujet. Ça peut sembler pince-sans-rire, mais ça n'en pas moins vrai.»

Besoin de changement

Récemment, Mayall a ralenti la cadence. On a parlé d'épuisement et on a même cru qu'il avait décidé de se retirer dans ses terres. «Je n'étais pas malade, mais au plan musical, j'étais arrivé au bout du chemin et j'avais besoin de changement, se souvient-il. La seule façon d'y arriver était de prendre six mois de répit. Mais la compagnie de disques voulait un nouvel album et j'ai dû faire vite pour monter un nouveau groupe et enregistrer Tough, le printemps dernier.»

Cet album, Mayall l'a intitulé Tough parce que la musique y est robuste et qu'il y fait référence «aux temps difficiles que nous traversons tous». Il y signe trois chansons dont That Good Old Rockin' Blues, un coup de chapeau évident aux Rolling Stones dans lequel il confesse son aversion pour le rap et autres «musiques modernes». Ne craint-il pas de faire trop vieille école?

Mayall rigole au bout du fil: «Non, le rock and roll est « vieille école « de toute façon. C'est une petite flèche de ma part à l'endroit du rap, la musique pop moderne, qui ne m'intéresse vraiment pas. Dans le rap, les messages sont très négatifs et on n'entend jamais les musiciens: ce ne sont que des machines, des échantillonnages, il n'y a pas d'humanité là-dedans. Mais cette chanson est avant tout un hommage au pouvoir du rock and roll.»

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John Mayall, au Métropolis, le 22 novembre, 20h.

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EN UN MOT

Un pionnier du blues britannique dont le groupe légendaire, les Bluesbreakers, a servi de tremplin aux guitaristes Eric Clapton, Peter Green et Mick Taylor dans les années 60.