Fais du feu dans la cheminée, je reviens chez nous Mais si on n'a pas de cheminée? On peut se réchauffer en écoutant le septième album studio d'Isabelle Boulay, Chansons pour les mois d'hiver, en vente lundi. Disquebouillon de poulet, disque-chocolat chaud, ce nouvel album ne révolutionne rien: il réconforte bien.

Il y a bel et bien un âtre dans l'auberge où ont lieu les rencontres avec Isabelle Boulay, un bon feu qui crépite et sent bon en ce petit matin plutôt frisquet. Ça tombe bien: le froid et le chaud, la neige et le feu se retrouvent dans les 11 morceaux de Chansons pour les mois d'hiver. L'une est inédite (Chanson pour les mois d'hiver sans s à «chanson», écrite sur mesure par Steve Marin); les 10 autres sont des reprises - deux du Ferland des années 60, deux de Julien Clerc, une de Cabrel, une de Rivard, un classique country anglais, une de Cohen adaptée en français, une de Claude Gauthier (Marie-Noël), L'amitié, qu'interprétait Françoise Hardy en 1965... La plus ancienne chanson date de 1947 (Tennessee Waltz), la plus récente de 2007 (Déranger les pierres, de Julien Clerc et Carla Bruni).

«C'est un disque juste pour le Québec, explique une Isabelle Boulay voluptueusement emmitouflée dans des pelures de laine. En fait, il sort en France en même temps qu'ici, mais en petite quantité (20 000 exemplaires), parce que l'hiver ne veut pas du tout dire la même chose pour les Français que pour nous. Remarque, je suis convaincue qu'on peut écouter ce disque en été aussi: après tout, on écoute bien L'été indien de Dassin ou C'est en septembre de Bécaud à l'année!»

«Quand j'ai fini la tournée en avril dernier, reprend-elle, j'étais obsédée par l'idée de faire un album avec un thème - disons que je fais de l'insomnie créative dans ce temps-là. Je tourne, je cherche, je n'arrête pas d'en parler... Je pensais au contexte social, à l'humanité ébranlée actuellement par la crise économique, par la pandémie, et j'ai soudain eu l'idée d'un disque qui réconforterait et bercerait les grandes personnes.»

Cette idée, elle l'a trouvée notamment dans son atelier: «Je sais que je suis intense, que mon entourage doit vivre avec ça, je me suis donc trouvé un endroit où l'être sans trop troubler mes proches! Après tout, tous les musiciens ont le droit d'avoir un studio, pourquoi ne pourrais-je pas faire la même chose bien qu'étant interprète? J'ai donc loué un petit local, avec mes cadres, mes disques (dont une foule de disques de Noël), mes affaires! Je l'appelle ma garçonnière. Marc-André (Chicoine, son agent et amoureux, père de leur petit Marcus de 13 mois) l'appelle mon annexe!» précise-t-elle en riant.

C'est dans sa «garçonnière» qu'elle a finalement eu l'idée d'enregistrer d'abord des maquettes de chansons sur le thème de l'hiver - elle a même enregistré Mon beau sapin, «mais je ferai un disque de Noël pour mes 40 ans, plutôt». Elle s'est mise en quête de morceaux appropriés, d'autres lui ont été proposés («C'est Michel Bélanger qui m'a fait découvrir Feignez de dormir, de Ferland, et Le patineur, de Julien Clerc»). Elle les a d'abord travaillés avec quelques musiciens parce qu'elle aime «chanter physique», c'est-à-dire s'approprier les chansons en bougeant vraiment, comme sur scène.

En fait, pour avoir une idée de la façon dont ont travaillé Isabelle Boulay et ses musiciens en très étroite collaboration, sous la supervision du réalisateur Marc Pérusse, jetez un coup d'oeil au clip de Chanson pour les mois d'hiver (info.audiogram.com/isabelle-boulay-single): c'est à peu près cela. Et oui, le petit garçon qui y figure, c'est Marcus, le bébé d'Isabelle Boulay. («Il adore danser sur cette chanson!») Dans ce clip comme sur le disque, c'est toujours le même parti pris de simplicité, avec énormément d'accent sur la voix et les guitares, comme si on se trouvait autour d'un feu: «Même pour la pochette, je ne voulais pas de photo. J'ai apporté au graphiste des pochettes de disque avec des illustrations très simples, comme celle de This Warm December (compilation avec deux inédites de Jack Johnson, sortie l'an dernier).

«Quand j'ai trouvé l'idée de ce disque, c'est comme si je m'étais levée dans la nuit pour réaliser que c'était le matin de Noël, reprend la jeune femme de 37 ans. La première chanson enregistrée, ça a été Schefferville, le dernier train, parce que, un jour, quand j'étais écolière à Matane, dans l'autobus scolaire, je me suis trouvée assise à côté d'une fille qui arrivait de Schefferville et j'avais vu sa tristesse. Ça m'avait fait quelque chose, je voyais bien qu'elle avait perdu ses repères. Cette chanson allait de soi.

«Mais ce sont les musiciens qui m'ont donné l'audace de reprendre une chanson aussi récente que Déranger les pierres (2007). C'est grâce à leur interprétation que j'ai laissé la chanson m'entrer dedans, si je puis dire. C'est la chanson la plus sensuelle que j'ai entendue depuis longtemps, un slow, un vrai... Comme une danse de poteau, mais élégante! Tiens, disons plutôt une chanson avec l'élégance du film Moulin rouge, mais avec une odeur de soufre, de luxure...»

Bref, de quoi vraiment se réchauffer, l'hiver venu...

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ISABELLE BOULAY

CHANSONS POUR LES MOIS D'HIVER

CHIC MUSIQUE/AUDIOGRAM