L'Irakien Furat Qaddouri est un maître du kanoun (ou qânun). Cet instrument à cordes pincées est archiconnu au Moyen-Orient, dans le Bassin méditerranéen ainsi que dans les Balkans. Son équivalent européen ou balkanique se nomme cithare. Rappelez-vous la danse de Zorba le Grec: la cithare était au centre de l'accompagnement.

Un tout petit nombre de solistes du kanoun se sont fait connaître au-delà des régions où on le pratique. En Occident, donc, très peu sont connus à titre de solistes. Le Syrien Abdullah Chhadeh s'est déjà produit à Montréal il y a quelques années; mais les connaisseurs du Festival du monde arabe de Montréal (FMA) affirment que LE joueur de kanoun de l'heure séjourne parmi nous: Furat Qaddouri, invité au 10e Festival du monde arabe de Montréal, joue ce soir.

 

«L'essentiel de ma démarche, amorce-t-il, est de faire connaître le kanoun dans le monde.» Il entend par là faire ce qu'ont réussi les joueurs d'oud en Occident depuis une quinzaine d'années.

«Les jeunes Arabes trouvent cet instrument beau, mais lourd à transporter, compliqué à jouer, difficile à accorder. Ils finissent par choisir l'oud, les percussions ou le ney. L'oud, il faut dire, a le vent dans les voiles depuis que le grand Mounir Bashir en a modernisé le jeu et le répertoire - dans les années 50, 60 et 70. J'espère en faire autant avec le kanoun.»

Jusqu'à une période récente, le kanoun était un instrument d'accompagnement pour le chant, l'interprétation des maqams, dont la structure musicale est au coeur de l'expression moyen-orientale. Notre interviewé, lui, n'entend plus se confiner dans le rôle de l'accompagnateur.

«Je présente l'instrument comme celui d'un soliste, et j'intègre le kanoun à différents styles modernes, bien au-delà de la musique classique arabe: jazz, musique latine, musique classique occidentale, etc.»

Furat Qaddouri était prédisposé à la virtuosité. Il est le fils du musicologue feu Hussein Qaddouri, dont les recherches sur le folkore mésopotamien et les chants d'enfants sont très connues dans le monde arabe moderne. Initié au kanoun dès l'âge de 8 ans, fiston a été formé par le kanouniste Baher Al Rejb, un des meilleurs de son époque.

Pour les raisons qu'on imagine, le virtuose a quitté Bagdad en 1996 pour ne jamais y revenir. Sauf le paternel, mort à Bagdad en 2006, toute la famille a émigré. Furat Qaddouri a vécu tour à tour en Jordanie, en Belgique, en Allemagne où il conserve un pied à terre, alors qu'il partage la résidence principale à Dubaï avec sa femme et ses deux filles.

Esprit moderne? Bien avant de quitter l'Irak, le musicien a manifesté une ouverture pour les musiques du monde, à commencer par la pop occidentale. «Enfant et adolescent, j'écoutais Elton John, Sting, les Bee Gees et Santana. Par la suite, je me suis intéressé au reggae, aux musiques latino-américaines et surtout au jazz moderne. J'ai, d'ailleurs, tourné régulièrement avec des groupes de jazz en Europe. Ce qui ne m'empêche pas de demeurer attaché aux maqâms irakiens et à la musique classique arabe.»

Voilà qui décrit sommairement le musicien composite qu'est devenu Furat Qaddouri. Dans cet esprit de rencontre qui prévaut au Festival du monde arabe de Montréal, le kanouniste se produira avec l'ensemble montréalais Nass Lounasa, dirigé par Mehdi Nabti, musicologue et saxophoniste de jazz féru de musiques folkloriques et soufies.

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Dans le cadre du 10e Festival du monde arabe de Montréal, Furat Qaddouri se produit ce soir, 20 h, à la 5e Salle de la Place des Arts.