Vingt-huit ans après la mort de Bob Marley, ses héritiers frappent du poing sur la table. La famille a décidé de reprendre le contrôle des produits dérivés du plus célèbre des rastas et de faire la guerre aux contrefaçons.

Les produits vendus sans licence rapporteraient 600 millions de dollars par an, alors que l'exploitation légale de la musique et de l'univers Bob Marley n'aurait représenté que quatre millions de dollars pour la famille en 2007, selon le magazine «Forbes».

Les descendants de l'artiste ne fournissent pas de chiffres mais ils ont noué un partenariat avec la société Hilco Consumer Capital, basée à Toronto, qui, elle, a fait ses comptes. Son patron, Jamie Salter, évalue la manne potentielle à un milliard de dollars d'ici quelques années.

Depuis la mort de Marley en mai 1989, terrassé par un cancer du cerveau à l'âge de 36 ans, «la famille a géré tous les droits, jusqu'à l'arrivée de Hilco», explique l'un des fils de l'artiste, Rohan. «Nous n'avions pas vraiment une bonne idée des perspectives internationales avant Hilco, ni de la bonne gestion», reconnaît-il.

La plupart des héritiers de Bob Marley sont musiciens, comme sa veuve, Rita, son fil Ziggy, qui a remporté quatre Grammy avec son groupe des Melody Makers, dont font également partie son frère Stephen et ses soeurs Sharon et Cedella. Un autre fils de Marley, Damian, a aussi remporté trois Grammy awards, les Oscars américains de la musique.

Certains fans de Bob Marley s'indignent de ce tournant consumériste qui leur paraît contraire aux valeurs défendues par le pourfendeur du Babylon System, du matérialisme et de la société de consommation, mais d'autres soulignent que le marché Marley existe déjà et qu'il serait temps de faire le ménage.

Pour Lorna Wainwright, patronne respectée à Kinsgton d'un studio et d'un magasin de musique baptisé Tuff Gong, le surnom de Bob Marley dans son enfance dans les bidonvilles de la capitale jamaïcaine, «le monde a besoin d'une police Bob Marley». «C'est la foire d'empoigne avec toutes ces contrefaçons, tout ce piratage», estime-t-elle. «C'est important de continuer de faire passer son véritable message, comme quand il était vivant, parce que le monde est en crise et que les chansons de Bob Marley apportent une solution.»

Un représentant de l'ordre rastafarien de Bobo Ashanti, soutient également la démarche de la famille. «Bob Marley était et est toujours une porte d'entrée pour beaucoup de ceux qui dans le monde recherchent les racines et la culture rasta», explique-t-il, signant son courriel du nom de l'Honorable prophète Moambeh Acosta. «Nous ne pouvons qu'espérer et prier pour le succès (de la famille) (...) car la tâche semble insurmontable après tant d'années de piratage et de contrefaçon», ajoute-t-il.

Les héritiers de Marley le savent et, plutôt que de s'en prendre aux vendeurs de rue, ils mettent au point une nouvelle ligne de produits siglée «House of Marley», qu'il ne sera pas question de pirater. On y trouvera de tout, du snowboard au restaurant, en passant par le papier à lettre, les écouteurs et les instruments de musique. Le lancement est prévu pour la mi-2010.

Marley «serait amusé de voir que son visage est utilisé pour orner une vaste gamme de produits et de services, dont certains dont il n'aurait jamais imaginé se servir lui-même», note le professeur Carolyn Cooper, ancienne coordinatrice de l'unité d'études sur le reggae de la University of the West Indies en Jamaïque.

Elle juge cependant on ne peut plus légitime de la part de la famille de vouloir protéger l'héritage, comme c'est le cas pour Elvis Presley, Michael Jackson ou d'autres stars. L'an dernier, les droits Elvis Presley ont rapporté près de 55 millions de dollars.

La famille de Marley affirme pour sa part qu'elle ne tient pas tant à se lancer dans le commerce qu'à perpétuer l'héritage, ce qu'elle fait déjà par exemple avec la plantation de café biologique Marley, dont les paquets de café portent des titres de chansons du pape du reggae, comme «One Love» ou «Mystic Morning».

«Les gens ont besoin de savoir que cela vient du mouvement Marley, un mouvement pour le développement durable», explique Rohan, qui ressemble physiquement à son père. Une partie des bénéfices du Marley Coffee sert à lutter contre la pauvreté criante de l'île, en allant à des programmes de football pour les jeunes Jamaïcains, explique-t-il.