Babx, 28 ans, deux albums à son actif, coup de coeur de l'Académie Charles-Cros, mis en nomination aux Victoires de la musique pour la révélation de l'année en 2006, s'impose au sein de cette nouvelle génération d'auteurs-compositeurs-interprètes français.

On questionne les responsables du Coup de coeur francophone afin d'identifier les meilleures prises outre-Atlantique. On reçoit quelques albums. On écoute. On choisit d'abord Babx, David Babin de son vrai nom. La profondeur de l'expression, l'éclectisme des références musicales, la singularité de l'univers sonore, la qualité de la plume, l'audace, la liberté, l'intemporalité.

Le parcours de l'artiste parisien est typique de son époque: né dans une famille multipolaire, pour ne pas dire éclatée, de parents très éduqués mais pas nécessairement très riches. Papa psychanalyste, dont les propres parents étaient musiciens ou engagés dans la musique, a eu trois enfants de trois femmes différentes. Maman, musicienne et ethnomusicologue, lui a fourni un environnement propice à la sensibilité artistique et à l'éclectisme musical.

«Pour moi, dit Babx, la musique est un animal à plusieurs têtes et un seul tronc. Captain Beefheart, Tom Waits... Le monsieur qui vivait avec ma mère écoutait beaucoup de ça, alors qu'elle, elle préférait les musiques classiques, les chansons françaises ou les musiques du monde. Il n'y a pas eu de clivage de genres. Il y a eu la musique, point.

«Écouter Tom Waits peut mener à réaliser qu'il y avait Louis Armstrong bien avant lui. Et qu'on peut remonter encore plus loin dans le temps. Bien sûr, j'ai grandi avec le hip-hop, cela n'empêche pas que les musiques impressionnistes aient vachement compté pour moi. En composant un morceau, je peux autant penser à Nick Cave qu'à Ravel ou NTM. Le hip-hop, musique de collage qui fut la musique forte de ma génération, m'a aussi appris qu'il n'y avait aucun problème à mélanger les genres.»

De père en fils

Vous aurez saisi que Babx n'est ni classique comme peut l'être un Vincent Delerm, ni générationnel comme peut l'être un Julien Doré - qui se montre souvent avec Coeur de Pirate, et avec qui notre interviewé a déjà collaboré. «J'essaie de faire une musique un peu organique, un mélange de chair, d'âme et de coeur, ancrée avec tout ce qui pousse dans la terre. Une musique horizontale», résume-t-il.

Côté mots, on lui fait observer que la pratique de son père psy pourrait avoir traversé la sienne.

«Je m'en rends compte de plus en plus, reconnaît-il. Il y a chez moi un grand intérêt pour la complexité du cerveau. Quand j'étais petit, mon père m'installait à côté de son cabinet. Je collais l'oreille au mur sans pouvoir discerner clairement ce qui s'y discutait. J'avais néanmoins pris conscience que ses clients avaient des problèmes à régler, qu'il y avait même des fous parmi ses patients. Moins je pouvais entendre et voir, plus je m'imaginais des choses, ça devenait un fantasme. Ainsi, les remous de l'âme m'ont intéressé très tôt... le tout baigné de musique!»

Lancé en avril dernier dans l'Hexagone, l'album Cristal Ballroom évoque ce voyage entre les hémisphères... de la caboche. Les textes de Babx exhalent une pensée complexe, un certain accomplissement de la tête au service des tripes.

«Si je lis beaucoup? Vous n'êtes pas le premier à me poser la question. Je lis beaucoup moins depuis que j'écris, sauf durant les périodes de vacances. Quand j'étais petit, il y avait une librairie près de chez moi, où je passais des journées entières. Et il y avait cette libraire qui me laissait bouquiner et qui créait des parfums et dont elle me faisait sentir les expérimentations. Je m'en suis souvenu récemment et ça m'a donné un indice: j'ai dû confondre les sensations! Pour moi, il n'y a pas de mots sans parfums et pas de parfums sans mots.»

Cristal Ballroom, soulève-t-il en outre, est né d'images évoquant des faits réels. Le naufrage du Titanic, notamment.

«Une puissante et gigantesque machine de la modernité se heurte à un iceberg et sombre, métaphore un peu comparable à ce qui nous arrive aujourd'hui avec le réchauffement planétaire. Ainsi, la puissance de notre artillerie coule petit à petit», observe l'artiste, qui se défend bien d'être écolo.

«Il faut aussi se rappeler que l'orchestre du Titanic avait joué jusqu'au bout dans la salle de bal... et que nous pouvons tous être le musicien d'un orchestre dans un vaisseau qui coule. Ce qui ne nous interdit pas de jouer jusqu'à la fin.»

Babx se produira en duo (piano-contrebasse), le samedi 14 novembre au Cabaret du musée Juste pour rire. L'album Cristal Ballroom sera offert en ligne le 10 novembre et en magasin début décembre.