Demain, le jeune chanteur libano-américano-britannique Mika sera de l'émission Tout le monde en parle, pour y parler du spectacle qu'il donnera à Montréal mardi, de son nouveau disque, l'excellent The Boy Who Knew Too Much, de sa drôle de vie, de sa voix singulière (il couvre quatre octaves), de sa connaissance réelle du français... À quelques minutes de l'enregistrement, Mika nous a gentiment accordé quelques minutes d'entrevue, bourrées d'intelligence et de charme.

Quand on peut écouter The Boy Who Knew Too Much en version double CD (un disque en version studio, l'autre en version spectacle piano-voix), on réalise à quel point Mika est 1) un mélodiste exceptionnel, 2) un arrangeur exceptionnel. Prenez la chanson Toy Boy: sur le disque live, elle est quasi mozartienne, en version studio, elle est devenue quasi Broadway! «Je compose de façon très simple, au piano, explique Mika avec son joli accent français, de telle manière qu'on puisse faire d'une mélodie toutes sortes de choses. Les arrangements sont une super occasion pour changer les choses, amener une chanson ailleurs...» Toy Boy pourrait donc exister en version chant grégorien, par exemple? «C'est drôle que vous demandiez cela: je suis justement en train de préparer un concert de charité et ce sont uniquement les voix des King's Singers (fameux choeur masculin a cappella) qui vont me servir d'instruments! Je veux démontrer que la musique pop a autant de flexibilité que la musique classique.»

 

La musique classique, l'opéra, Mika connaît puisqu'il les a étudiées... pour ensuite plonger à corps perdu dans la pop scintillante, toujours doublée de sombre. La très belle chanson Blue Eyes a ainsi des allures de souriante chanson des Caraïbes: «Mais si vous vous attardez aux paroles, explique Mika, vous réalisez que ce n'est pas souriant. Elle est inspirée d'une fille que je connais, qui avait des problèmes et à qui on a prescrit tellement de médicaments qu'elle en a perdu son coeur, son âme. Ce que j'essaie toujours d'exprimer, c'est «the beauty in gore», la beauté dans le sanglant, et vice-versa.»

Des «collages émotionnels»

Cette façon d'opposer musique légère et texte lourd de sens - comme le fait Leonard Cohen, notamment - c'est une des forces de ce prodige de 26 ans: «Pour moi, les chansons sont des sortes de collages émotionnels, et on peut à partir de deux dimensions - la musique, les paroles - les mêler de telle manière qu'elles possèdent plusieurs facettes, toute une foule de subtilités...»

Un peu comme sur la pochette et le livret du disque, faits de dessins hautement colorés? «Exactement. Vous savez, on a tout peint à la main, mes amis et moi, tout, sur une table, ça nous a pris des heures. On a ensuite photographié le résultat pour en faire la pochette, ce n'est pas du Photoshop! Ç'a été difficile et long, vous n'avez pas idée, alors que ça semble tout simple, léger, presque enfantin.» Comme une très bonne chanson pop, finalement...

Ceux qui ont vu Mika en 2008, au Centre Bell, se souviennent d'un spectacle incroyable, généreux, rempli de ballons, de costumes, d'ombres chinoises, etc. De quoi aura donc l'air le spectacle de mardi... à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, alors qu'ils seront 10 musiciens sur scène? «J'utilise encore l'opposition, explique Mika. C'est une salle plus traditionnelle... où le spectacle ne le sera pas. Je dirai simplement que le show commence comme si nous étions en 1955 et que... j'étais mort!»

Oh boy, ça promet! «Je crois que ce sera quelque chose», conclut-il en riant avant d'ajouter, avec un peu de crainte dans la voix: «Tout ce que j'espère, c'est que les gens voudront bien accepter ce que je leur propose: dans le premier album (l'excellent Life in Cartoon Motion, 2007), j'ai construit un monde concret, avec des personnages. Dans le second, je reprends en fait ces personnages et je les transporte ailleurs... Et j'aimerais continuer ainsi, toute ma vie: à partir de mes chansons tellement simples, faire des albums qui ajoutent constamment des couches à mes personnages... J'espère que les gens me permettront de les développer pendant le reste de ma vie...»

Mika, en spectacle à la salle Wilfrid-Pelletier, mardi, 13 octobre, 20h.