Rufus Wainwright a un agenda plutôt chargé par les temps qui courent. «Ma main gauche ne sait pas toujours ce que ma main droite est en train de faire et je devais trouver une façon de les réunir», dit-il avant d'entrer en studio pour enregistrer un nouvel album.

Rufus Wainwright est à New York où, la veille, il a participé à un concert-bénéfice pour la lutte contre le sida en Afrique, aux côtés de sa soeur Martha, des gars de U2 et de Laurie Anderson, au Carnegie Hall. «J'ai chanté avec Scarlett Johansson. Il y avait aussi Courtney Love et plein d'autre monde», raconte-t-il au téléphone.

 

L'artiste d'origine montréalaise semble plus que jamais avoir le don d'ubiquité. Ces derniers mois, il a chanté pour le 90e anniversaire du folksinger Pete Seeger au Madison Square Garden, a participé au festival Osheaga et est monté sur scène avec Norah Jones aussi bien qu'avec Jane Birkin. Il vient de lancer le CD/DVD de sa tournée de 2007, Milwaukee at Last!, et chante ce soir à Saragosse, en Espagne. Dans huit jours, il sera le conférencier invité du New Yorker Festival où l'on abordera le thème de «l'opéra radical»; le 5 novembre, il participera au gala du New York Opera, et le 9 décembre, il sera du traditionnel spectacle de Noël avec sa soeur Martha, sa mère Kate McGarrigle et d'autres parents et amis au prestigieux Royal Albert Hall de Londres.

«Disons que j'ai tendance à sublimer mes dépendances dans l'art, dit Rufus en riant. J'aime me garder le plus occupé possible. Le DVD de Milwaukee at Last! témoigne d'une période de ma vie que j'ai mis du temps à construire: trouver le band que je voulais, le public que je méritais, et jouer dans les salles de concert que j'adore. Ça m'a pris des années et des années de sueur et de pleurs.»

Ce CD/DVD lui permet aussi de se rappeler à la mémoire de son public qui n'a pas eu droit à un album de chansons inédites depuis Release the Stars, au début de 2007. «Mais entre-temps, j'ai écrit un opéra (Prima Donna, créé à Manchester en juillet), j'ai composé et orchestré la musique d'une pièce de théâtre, et j'ai vécu à Berlin pendant que je travaillais à ce projet avec (le metteur en scène) Robert Wilson.»

La pièce en question, intitulée Sonnets, est basée sur des sonnets de Shakespeare et tient l'affiche du Berliner Ensemble, le fameux théâtre de Berlin où Bertolt Brecht a créé son Opéra de Quat'Sous. «Je vais chanter quelques-uns de ces sonnets dans mon prochain album, annonce Rufus. Ce sera un disque solo, piano-voix, très diversifié, un échantillon de ma vie schizophrène (rires). Pendant que je travaillais à mon opéra, j'ai continué à écrire de nouvelles chansons. J'entre en studio ce mois-ci.»

Prima Donna à Montréal?

L'opéra Prima Donna, rappelons-le, lui a d'abord été commandé par le Metropolitan Opera de New York qui s'est désisté parce que Rufus tenait mordicus à écrire son livret en français. Manchester a ensuite manifesté son intérêt.

«On a eu des critiques de tous les genres, ce qui, dans l'univers du classique, signifie que nous avons survécu au monstre, raconte Rufus en éclatant de rire. Certains ont vraiment détesté ça, mais il y a eu aussi des critiques super positives, et le public a pu se faire sa propre opinion. Prima Donna va être monté à Londres en avril 2010, puis à Toronto, au festival Luminato, en juin. On discute également avec New York, Paris et Montréal.

Peut-on penser au festival Montréal en lumière en 2011?

Peut-être, oui. J'aimerais qu'on en ait terminé en 2012 afin que j'aie quelques mois pour me préparer à la fin du monde (rire). À Manchester, chaque soir, la moitié sinon plus des spectateurs n'étaient jamais allés à l'opéra, attirés qu'ils étaient par la critique et le bouche à oreille. Le monde de l'opéra est dans un tel état qu'il ne peut se permettre de ne pas profiter de cette ouverture vers un plus large public. Soyons honnêtes, je ne lui apporte pas le public de Michael Jackson, mais c'est quand même un public nouveau. Je pense que le message a été entendu.»