Alors que l'Assemblée nationale française vient de ratifier la nouvelle version de la loi Création et internet, mieux connue sous le nom Hadopi, le débat sur l'approche coercitive à la française face au partage sur le web des contenus protégés déborde en Grande-Bretagne, où des musiciens comme Radiohead, Lily Allen et James Blunt s'affrontent sur la scène publique.

Mardi dernier, la version corrigée de la loi Création et internet (dite Hadopi 2) a franchi la dernière étape avant son adoption, soit un vote à l'Assemblée nationale, appuyé par la majorité UMP et refusé par l'opposition socialiste. Reste enfin le Conseil constitutionnel, qui donnera son aval - ou non, comme ce fut le cas il y a quelques mois - au projet de loi controversé.

En avril, une première version du projet de loi Hadopi avait été soumise au vote de l'Assemblée nationale, puis défaite, à la surprise générale. Une version légèrement modifiée avait alors dû être présentée.

Le projet initial accordait un pouvoir juridique au conseil de l'Hadopi; celui-ci pouvait sanctionner les internautes déclarés coupables de téléchargement illégal, d'abord en leur faisant parvenir une note par courriel. À la deuxième infraction, le courriel s'accompagnait d'une lettre recommandée. À la troisième, l'internaute était privé de son accès internet pour une durée de deux mois à un an.

Le Conseil constitutionnel avait refusé de reconnaître l'autorité juridique du conseil de l'Hadopi. Le gouvernement a donc proposé que seul un juge puisse exécuter la sentence par ordonnance judiciaire. C'est sur ce point encore que le Parti socialiste entend à nouveau déposer un recours au Conseil constitutionnel, sous prétexte que la loi «ne respecte pas suffisamment les droits de la défense», rapporte Le Monde.

En Grande-Bretagne...

L'approche française de la réponse graduée, que les anglophones ont rebaptisée «Three Strikes», a certainement trouvé écho dans le monde, de l'Australie aux États-Unis, en passant par la Grande-Bretagne où le débat fait rage au moment où le gouvernement étudie la possibilité d'introduire un projet semblable.

En Grande-Bretagne, ce sont les artistes eux-mêmes qui ont participé au débat. Dans le camp des «anti-Three Strikes»: la Featured Artists' Coalition (FAC), qui compte dans ses rangs des membres de Radiohead, Pink Floyd, Little Boots, Travis, Blur, Annie Lennox, Tom Jones et plusieurs autres.

Puis, les pour. Il y a quelques jours, Elton John a fait parvenir une missive à un parlementaire pour dénoncer le téléchargement illégal. La semaine dernière, la pop star Lily Allen a fait une sortie contre les positions de la FAC, avant de revenir sur ses propos... et d'annoncer sa retraite musicale!

Ainsi, dans un texte publié sur sa page MySpace, la chanteuse pop argue qu'être contre le «Three Strikes», comme le sont les artistes associés à la FAC, est une position que seuls les artistes établis peuvent assumer, alors que pour les nouveaux artistes qui tentent leur coup dans cette industrie, c'est injuste.

Pour défendre son point de vue, la chanteuse avait mis en ligne un blogue, It's Not Alright (à l'adresse idontwanttochangetheworld.blogspot.com) par lequel elle cherchait à rallier d'autres musiciens en faveur d'une réponse coercitive. Ça semble avoir réussi: James Blunt lui a donné son appui dans une lettre adressée au quotidien The Times, ainsi que George Michael.

Un débat sur la question, ouvert aux artistes uniquement, s'est tenu jeudi dernier à Londres à l'initiative de la FAC et Ed O'Bryan, de Radiohead, a tenu à répondre à Lily Allen. Se disant opposé au téléchargement illégal, il fait valoir qu'un tel projet de loi qui punit les fans des artistes en les bannissant du web serait «peu sage». «Nous ne croyons pas qu'on puisse changer les habitudes des internautes en les menaçant», juge le guitariste de Radiohead.

Et Lily Allen? Dans l'embarras après sa sortie très médiatisée, elle a fermé son blogue. Pour ensuite déclarer qu'elle n'avait pas renégocié de contrat avec sa maison de disque, suggérant du coup qu'elle souhaitait mettre un terme à sa carrière de pop star...