Depuis bientôt un an, Van Morrison reprend sur scène Astral Weeks, son album de 1968 considéré aujourd'hui comme un classique. Un concert mémorable que nous avons vu à New York, l'hiver dernier. Avant de chanter à la salle Wilfrid-Pelletier demain, l'artiste irlandais a répondu aux questions de La Presse par courriel.

Q : Vous avez dit que votre album Astral Weeks avait été «enterré» par votre compagnie de disques en 1968. Est-ce que le succès actuel de la tournée et de l'album tiré du spectacle est une forme de revanche pour vous?

R : Non. J'ai enregistré le disque Live at the Hollywood Bowl pour me permettre de jouer cette musique en concert avec des orchestrations.

Q : En écoutant Astral Weeks avec votre orchestre, on redécouvre cette oeuvre. Est-ce aussi une nouvelle expérience pour vous?

R : Oui. Chaque fois que je joue une chanson, c'est important de la retravailler et de l'amener ailleurs, qu'elle soit différente de la version d'origine. Sinon, ça peut devenir trop mécanique pour moi.

Q : Plusieurs de vos fans trouvent que la spiritualité est une partie importante de votre musique. Astral Weeks est une sorte d'expérience spirituelle globale, une suite de musique hypnotique sur laquelle vous improvisez et que chacun peut apprécier. Le voyez-vous de cette façon?

R : Bien sûr. Tout dépend de ce que les auditeurs retirent de la musique; de toute façon, ce que j'ai écrit ne correspond habituellement pas à ce qu'ils croient que j'ai écrit. Mais c'est une question vaste parce que ce n'est pas tout le monde qui peut réellement interpréter mes chansons.

Q : À New York, l'hiver dernier, vous aviez l'air d'un véritable chef d'orchestre dirigeant ses musiciens. Pourtant, le bassiste Richard Davis a déjà dit que lors de l'enregistrement d'Astral Weeks, en 1968, vous donniez très peu d'indications aux musiciens en studio. Quelle place y a-t-il pour l'improvisation dans le concert Astral Weeks?

R : Eh bien! Richard Davis avait tort parce que cette musique était complètement de mon ressort. Astral Weeks, c'est mon improvisation sur des petites histoires, semblables à des films, que j'ai écrites.

Q : Dans la première partie du concert, où vous reprenez des chansons de toutes les époques de votre carrière, j'ai eu l'impression que vous décidiez de jouer certaines chansons (Jackie Wilson Said, It Stoned Me) au tout dernier moment et en avertissiez aussitôt les musiciens?

R : Bien sûr. Je dicte mes consignes de façon organique - mes spectacles ne sont pas forcés, ce n'est pas mon genre. Il faut que je sois spontané, sinon c'est un pur gaspillage pour moi. L'orchestre n'a qu'à connaître la liste des chansons du soir même, quelle qu'elle soit.

Q : Vous avez souvent privilégié vos nouvelles chansons en concert, comme si vous craigniez de céder à la nostalgie. Pourtant, dans la première partie du concert à New York, vous avez joué plusieurs de vos succès et j'ai eu l'impression que vous y preniez vraiment plaisir?

R : Je faisais simplement ce que mes fans m'avaient demandé. J'aime jouer ce que je ressens à un moment donné; que ce soit nouveau ou vieux n'a pas beaucoup d'importance. Ce qui compte, c'est ce que la chanson peut apporter à ce moment-là.

Q : Rod Stewart m'a déjà dit que vous lui aviez payé un verre pour le remercier d'avoir enregistré votre chanson Have I Told You Lately. Quelle est selon vous l'adaptation la plus intéressante qu'on ait faite d'une de vos chansons?

R : Michael Bublé a fait une très bonne version de Moondance.

Q : À New York, vous avez chanté avec beaucoup d'énergie des chansons du groupe Them, dont vous faisiez partie au milieu des années 60: Gloria évidemment, mais aussi Mystic Eyes et Baby Please Don't Go, dont Them faisait une adaptation à l'époque. La carrière de Them a été courte, mais le groupe a eu un impact réel. Qu'est-ce que vous en pensez aujourd'hui?

R : Je n'y pense jamais, pourquoi le voudrais-je? Mais on me réclame souvent Mystic Eyes. Elle a tout pour elle, cette chanson.

Q : Vous avez déjà cité Louis Armstrong, qui disait n'avoir jamais chanté une chanson deux fois de la même façon. On pourrait dire la même chose de vous. Est-ce une règle que vous vous imposez ou simplement l'impression qui se dégage de vos concerts?

R : Je ne peux pas faire ce que je fais d'une manière forcée. Ce n'est pas une règle, c'est comme ça.

Q : Votre voix, immédiatement reconnaissable, est-elle ce qui vous distingue d'abord des autres artistes? D'autre part, vous avez été très critique envers les chanteurs rock par le passé. Trouvez-vous que la voix n'est plus aussi respectée dans la musique d'aujourd'hui?

R : Je n'aime pas la musique moderne, donc je ne ferai pas de commentaire à ce sujet. Quant à ma voix, elle est ce qu'elle est, mais j'ai travaillé sur ma voix et j'ai expérimenté toutes sortes de styles de chant depuis 1967. C'est pour ça que je ne chante pas comme le gars qui a enregistré Astral Weeks en 1967. J'ai évolué.

Q : La bande-annonce du documentaire à venir sur la tournée Astral Weeks, intitulé To Be Born Again, mentionne que vous allez y raconter votre propre histoire. Quelles sont les fausses impressions que les gens ont à votre sujet?

R : La plupart des notions que les gens ont de moi sont très éloignées de la vérité, ce sont des mythes. La vérité est beaucoup plus intéressante que tout ce qu'ils croient connaître.

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VAN MORRISON ASTRAL WEEKS LIVE, salle Wilfrid-Pelletier, demain 20 h. Il reste des billets à 170 $ et 250 $; ceux à 100 $ et 325 $ sont tous vendus.