Maxime Morin, alias DJ Champion, nous revient avec Resistance, un deuxième album solo qui se fout des compromis. Nous l'avons rencontré peu de temps avant l'inauguration officielle de la place des Festivals, une cérémonie qui s'est terminée dans l'allégresse caractéristique des concerts de Champion et ses G-Strings, invités à clore la soirée.

Cent mille albums vendus, ça ne change pas le monde, sauf que... Sauf que Morin a bien failli succomber. Ce sera d'ailleurs la révélation-choc de cette ronde d'entrevues que le musicien, compositeur et réalisateur accorde en prévision de la sortie, la semaine prochaine, de Resistance, digne successeur de Chill'em All, lancé il y a cinq ans déjà.

 

Car voilà, Champion a jeté aux poubelles le premier jet de ce nouvel album. Dit comme ça, ça frappe ; en réalité, ces chansons sont sûrement toujours quelque part sur un disque dur. Le geste fait néanmoins foi de la volonté de repartir avec ce projet sur de nouvelles bases.

«J'écoutais ce que j'avais composé, ça n'allait pas, dit candidement Maxime Morin. C'est le DJ en moi qui m'a fait réaliser ça. Le musicien aime toujours sa musique ; pas le DJ, il a du discernement. Et il n'était absolument pas satisfait. Oh ! il y avait de bonnes chansons, sûrement des chansons qui vendraient, mais c'était ennuyant.»

S'il faut trouver un sens au titre de cet album, disons alors que Champion a « résisté « au chant des sirènes. Tout le nouvel album respire cette volonté de passer à une autre étape, dans la forme comme le fond.

En douceur, tout de même. Les premières chansons de l'album, Clear Beach - une chanson qui représente pourtant «la cassure» entre les premières maquettes et le résultat final, selon Champion -, Resistance (Skool) et Perfect in Between, brèves et intenses compositions électro-rock, renvoient aux structures de Chill'em All. C'est ensuite que ça se gâte. Superbement.

«Après avoir rejeté mes premières maquettes, j'ai eu l'idée d'essayer de faire des chansons avec des sons que je n'aimais pas, une sorte d'exercice. Composer avec des notes de guitares trop fortes, trop saturées, des bruits. « La bougie d'allumage qui lui manquait. Dans l'imperfection, dans l'imprévisible, de l'émotion.

«À partir de ces expériences, j'ai su que je tenais quelque chose. Ça m'a permis de me réinventer»,, assure-t-il. Ça donne des pistes hallucinantes et inattendues de la part de celui qui traîne depuis cinq ans la même efficace formule de rythmes techno et house aux velléités rock, aux guitares qui s'empilent et qui tonnerrent.

Plastiques & métaux, par exemple, vient freiner les relents Chill'em All du nouveau disque, même si Champion n'hésite pas à la comparer, sur le plan de la structure, à la langoureuse Tawoumga du premier disque. La rythmique qui pique d'abord notre curiosité. Méticuleuse, raffinée, c'est elle qui vole le show alors que les sons de guitares sont relégués à l'arrière-plan, au simple (mais riche) maquillage sonore, ou encore à l'appui des brèves ponctions de basse. Plus loin, c'est la rampante L6 (The Blooded), une chanson construite autour d'harmonies vocales aériennes. La guitare, ici, n'est qu'un accessoire, et même pas indispensable. Enfin, l'épique Sanois Beach emploie bien un solo de guitare, mais toutes les autres sont traitées comme une dense et instable matière sonore, une grosse couche de fond de fuzz et de grichements.

L'arrivée de Pilou

Ces changements s'accompagnent bien sûr de nouvelles responsabilités vocales au sein du groupe. Désormais, Champion compte sur Pilou (Pierre-Philippe Côté) pour donner encore plus d'âme à ses machines. Le chanteur, également contrebassiste qui a accompagné Yann Perreau et Ariane Moffatt sur scène, lui a été présenté par l'entremise d'un de ses G-Strings.

« La première fois qu'on s'est rencontrés, il a improvisé sur des rythmes que j'avais faits. Il chantait d'une voix douce, falsetto, c'était très Feist, très Patrick Watson, j'ai trouvé ça beau, j'ai réalisé que c'était le type qu'il me fallait. C'est drôle parce que, sur l'album, il ne chante à peu près pas comme ça.» Une voix typée, facilement adaptable aux ambiances assez sombres de Resistance.

L'arrivée de Pilou se fait bien sûr après le départ de Betty Bonifassi, qui semble avoir emporté avec elle les influences de vieux blues qui coloraient Chill'em All. En réalité, ce Resistance est autant une évolution du «son» Champion qu'un retour aux sources purement électroniques de celui qui a lancé ses premiers albums, techno, sous le pseudonyme Mad Max.

« J'ai émergé de Mad Max pour faire DJ Champion, un peu parce que j'avais besoin de changer d'air. Juste le nom du projet, c'était une manière de ridiculiser ce que je faisais, ce que j'étais devenu. Or, après le succès de Chill'em All, je sens que j'avais besoin de réaffirmer mes racines techno. J'appartiens autant aux guitares de So Big (l'un des titres les plus rock du nouveau disque), mais j'appartiens aussi à Plastiques & métaux»

Une dualité musicale motivante. Et motrice : «Derrière Resistance, il y a une volonté d'aller ailleurs. À la limite, j'aurais pu me planter, je tenais à ce que soit autre chose que Chill'em All. Pour évoluer. Pour me botter le cul - il faut se botter le cul dans la vie. Mon père a l'air jeune, il a 70 ans. Je lui ai demandé son secret. Il m'a répondu: n'arrête pas. C'est ça, la philosophie du disque.

«Je n'avançais pas, dit Champion. Quand tu n'avances pas, tu vieillis. Je ne veux pas vieillir»