Mercredi soir, les arbres ne cachaient pas la forêt, ils la défendaient: dans un Medley plein à craquer, debout comme autant de chênes, Richard Desjardins, Fred Pellerin, Zachary Richard et Mes Aïeux se sont produits au profit de l'organisme L'Action boréale en Abitibi-Témiscamingue (ABAT). Deux heures sans entracte, deux heures de chansons inédites ou traditionnelles, de poèmes ou de contes, deux heures qui feront de nouveau des heureux jeudi soir puisque tous seront au Medley pour une seconde représentation!

C'est en fait à la supplémentaire qu'on assistait, en ce mercredi encore estival (la soirée de jeudi s'est vendue en moins de temps qu'il ne faut pour crier «forêt») et la file était encore bien longue devant les portes à 20h, heure à laquelle le spectacle devait en principe commencer. C'est donc plutôt à 20h30 que Fred Pellerin s'est présenté devant les quelque 1500 spectateurs pour y raconter l'histoire du pommier millénaire de Saint-Élie-de-Caxton, arbre «éjaré s'a souche» rempli de pommes «tartables, croustables», mais aussi allégorie de la vie et de la mort. En exactement quatre secondes, le blond conteur avait mis tout le monde dans sa poche, et la soirée partait sur les chapeaux de roue.

L'allocution du président de l'ABAT (Action boréale en Abitibi-Témiscamingue) n'a pas ralenti le rythme du spectacle : simple, direct et franchement sympathique, Henri Jacob a expliqué que, grâce aux fonds amassés par l'organisme, l'acquisition d'aires protégées (non exploitables par les entreprises forestières) en Abitibi était passé de 0,5% à 7,2% en moins de dix ans, et tout cela sans aucune subvention. C'est avec chaleur qu'il a ensuite invité celui qu'il surnomme l'»Elvis-Presidente» de l'ABAT, Richard Desjardins, à monter sur scène.

Les fans de Desjardins pourront se targuer d'avoir vu un spectacle unique dans le genre : le chanteur a en effet interprété six inédites, seul à la guitare, devant un public attentif. Que ce soit pour raconter la vie d'un «Viking des faubourgs, empereur du néant» ou pour une chanson d'amour comme il en a le secret - évoquant tour à tour Jésus, Tarzan, Picasso, Maurice Richard, Marx ou Einstein pour annoncer «j'm'en viens t'aimer», Richard Desjardins a suspendu la foule à ses lèvres, sans que celle-ci n'y trouve à redire. Idem pendant la rigolote Le bonheur selon Roger Guntacker (titre supposé par la journaliste...), Les deux pétards (inspirés par les amours médiatisés des vedettes), la Supplique d'Elsie (titre encore là supposé) et une chanson délirante sur un sans-dessein fini, qui se fiche des conséquences de ses actes, le genre à dire «Un cerveau à deux temps, ça pense pas, ça dépense». Desjardins a ensuite relaté une soirée où il avait traduit le refrain de Travailler, c'est trop dur à l'intention de spectateurs inuit qui lui ont réclamé la chanson 16 fois! «C'était il y a 20 ans, et on la chante encore là-bas», a assuré Desjardins avant de présenter Zachary Richard.

Lui aussi seul à la guitare, le chanteur louisianais a également présenter un répertoire différent de ce qu'il présente habituellement : trois chansons traditionnelles française (La belle s'est endormie) et louisianaises, une chanson inspirée par le résistant du Nouveau-Brunswick Jacky Vautour et un morceau tiré de son récent album Last Kiss (Some Day), avant d'expliquer qu'il vient d'un «pays qui s'effrite» : la Louisiane est en effet menacée de disparaître par l'érosion des berges.

Fred Pellerin est revenu parler des habitants de son village, notamment de l'homme fort et du forgeron, pour finalement présenter avec finesse Mes Aïeux. Avec tous leurs instruments et leur énergie indéfectible, les sept musiciens ont mis le feu à la baraque, faisant danser la foule sur Le déni de l'évidence, La dévire, Dégénération et autres chansons de leur répertoire engagé et engageant, manifestement. Ensuite, tous les invités sont montés sur scène pour chanter en choeur... Mille après mille, oui, la fameuse chanson country de Gérard Joly, et Richard Desjardins l'a terminée seul pour nous dire «tu n'peux pas savoir comme je peux t'aimer.». La soirée s'est terminée par une chanson traditionnelle que Desjardins a fait chanter à la foule, qui ne se pouvait plus, n'ayons pas peur des mots. Gageons que l'ABAT a gagné plusieurs nouveaux membres mercredi soir... et que quelques arbres de plus seront épargnés.