«Nina Hagen, Kate Bush, Grace Jones... ces femmes ont redéfini la féminité d'une façon qui s'est tellement perdue aujourd'hui», déplore Ebony Bones, jeune Londonienne qui suit les traces de ses glorieuses aînées avec sa pop tribale et bourrée d'énergie.

«Dans l'industrie musicale, les femmes sont toujours laissées sur le devant de la scène, mais elles ne sont pas autorisées à prendre leurs propres décisions. Quand il s'agit d'un artiste ou d'un groupe masculin, personne ne se demande quel est l'homme derrière qui a produit leur musique», note-t-elle lors d'une rencontre avec la presse à l'occasion de son passage au festival français Rock en Seine.

Pour son premier album Bone of my Bones, il n'était pas question pour Ebony de s'en laisser conter.

Multi-instrumentiste, elle a composé et produit tous les titres de ce disque, un tonitruant mélange de musiques contemporaines, du punk au ragga en passant par l'électro sur fond de rythmes tribaux. Le tout rappelle souvent l'énergie et les influences métissées de The Clash.

«J'ai mal au coeur quand j'entends la radio. En tant que passionnée de musique, c'est tellement déprimant et je me dis que je ne dois pas être la seule. Je pense que les gens sont lassés et cherchent d'autres sources d'inspirations», dit-elle.

Sa mère souvent en voyage, la jeune Ebony a passé une bonne partie de son enfance avec son père disquaire dans le quartier de Brixton, au sud de Londres.

«Grâce à lui, j'ai eu une éducation musicale immense et éclectique», explique-t-elle, citant pêle-mêle Gang of Four, The Prodigy ou les B 52's.

L'influence de Brixton, longtemps lieu de tensions raciales, se retrouve également dans ses textes : We Know All About You dénonce les excès de la vidéosurveillance, Story of St. Ockwell évoque Jean-Charles de Menezes, un Brésilien tué en 2005 par la police britannique qui le suspectait à tort d'être un terroriste.

«Je voulais que cet album fasse naître des discussions entre amis», explique-t-elle, soulignant le caractère très personnel de ce premier disque.

De son vrai nom Ebony Thomas, elle a choisi son nom de scène - Bones c'est à dire «os» - en partie pour exprimer le côté «mise à nu» de sa musique.

Dans une autre vie, cette ancienne comédienne a tenu pendant sept ans le rôle d'une jeune fashionista dans la série britannique Family Affairs.

«C'est une chose de jouer un personnage écrit par des scénaristes, c'en est une autre d'être soi-même en faisant de la musique. Si les gens n'aiment pas ta musique, c'est toi qu'ils n'aiment pas», affirme-t-elle.

Pour la scène, Ebony - coupe afro décolorée en blond et faux-cils interminables - a créé son propre univers à mi-chemin entre personnage de BD psychédélique et guerrière tribale.

Suivant les traces de sa mère, qui travaille dans la mode, la musicienne dessine elle-même ses costumes: collants fluos, minirobes flashy et énormes colliers et bracelets en feutre multicolores.

Ses concerts sont un concentré d'énergie festive : elle bondit, harangue le public et se lance dans des chorégraphies endiablées accompagnées de ses choristes.