Les hippies de Woodstock ont dansé nus, fait l'amour dans la boue, chanté au milieu de nuages de marijuana... et puis un jour, ils se sont coupés les cheveux et ont commencé à travailler.

Pour ceux qui étaient à Woodstock entre les 15 et 18 août 1969, le concert de rock -- qui eut lieu, en réalité, dans la commune de Bethel, au nord de New York -- était la promesse d'une ère nouvelle et radieuse. Mais le réveil fut difficile et quarante ans plus tard, difficile de savoir si Woodstock a changé quelque chose.

Rich Hanley, professeur de journalisme à l'Université de Quinnipiac, estime que le concert, loin d'annoncer une aube nouvelle, fut en réalité le dernier souffle de la révolution culturelle des années 60.

«En 1971, tout était fini», déclare-t-il à l'AFP. «Les manifestations étaient beaucoup moins nombreuses, la génération Woodstock a dû chercher du boulot et le boulot a mis un terme à la fête», dit-il.

Et Hanley d'ajouter, ironique: «Aujourd'hui, les hippies sont tous devenus républicains, et au lieu de prendre du LSD, ils prennent du Viagra et perdent leurs cheveux».

De fait, la réalité a vite rattrapé les enfants de Woodstock. En décembre 1969, moins de quatre mois après le mythique festival, un concert similaire organisé à Altamont Speedway, en Californie, avait fini dans le chaos, entre bagarres sanglantes et drogue à gogo.

Et le reste du monde n'était pas mieux loti. Malgré les manifestations anti-guerre, les troupes américaines ne devaient pas quitter le Vietnam avant 1973, et un an plus tard, Richard Nixon quittait la présidence américaine après le scandale du Watergate.

«Je pense que les gens ont perdu leurs illusions», déclare à l'AFP Wade Lawrence, directeur du musée Woodstock de Bethel. «L'époque +peace and love+ semble un peu dépassée», dit-il.

Une grande partie de ce qui a fait la légende de Woodstock -- la marijuana et ses éléphants roses, le naturisme et les appels à la paix -- semblent vieillots dans la société actuelle, beaucoup moins innocente.

Mais d'anciens hippies, comme le photographe Michael Murphree, âgé aujourd'hui de 56 ans, ne renient rien de leur jeunesse. «La paix, l'amour, le bonheur: on s'est battus pour ça», dit-il souriant, en parcourant avec nostalgie les allées du musée.

Pourtant, hormis la musique et les pantalons pattes d'éléphants, l'héritage de Woodstock est mince. Ironie du sort, son effet le plus direct aura probablement été la mainmise de l'industrie musicale sur les concerts de rock, transformés depuis en machines à dollars.

«Woodstock a changé l'industrie de la musique», affirme Stan Goldstein, l'un des organisateurs historiques du concert. «Pour la première fois, on a réalisé que les artistes pouvaient attirer non seulement des foules, mais des foules avec de l'argent», ajoute-t-il.

En quarante ans, ce qui semblait faire la force de l'esprit de Woodstock -- un mélange de pacifisme et d'activisme politique, ce que Goldstein appelle «la conscience hippie» -- a presque complètement disparu.

Sarah Duncan, 20 ans, qui visite le musée vêtue d'une chemise psychédélique hippie en diable, assure que sa génération serait incapable d'un nouveau Woodstock.

«À cette époque, il suffisait d'être libre et ouvert d'esprit», dit-elle. «Je ne vois pas mes amis faire ça. Ce ne serait pas juste +peace and love+, ils se saouleraient et deviendraient dingues».

Aujourd'hui, «les gens disent ce qu'ils pensent, mais pas en manifestant ou en faisant de l'art. Ils enverraient un e-mail», raille-t-elle.