Il y a deux semaines aux Nuits d'Afrique, le tandem que forment le banjoïste canadien Jayme Stone et le joueur de kora malien Mansa Sissoko nous a fait réaliser à quel point ces deux instruments ont d'étonnantes affinités. Et voilà qu'en peu de temps, nous avons accès au maître de Sissoko, le très respecté Toumani Diabaté, qui se produit aux côtés du plus réputé banjoïste depuis les années 90, soit l'Américain Béla Fleck.

En ce jeudi au Théâtre Maisonneuve, vous vous doutez bien qu'on a grimpé de quelques coches dans le même registre.

Ce concert d'environ deux heures démarre en douceur avec des harmonies fines et cristallines du banjo et de la guitare, délicatement tricotées dans les fréquences assez élevées. Les cultures respectives y sont identifiables, elles finiront par se fondre l'une dans l'autre.

La quête africaine de Belà Fleck était déjà palpable dans le troisième volet de ses Tales From the Acoustic Planet, volet intitulé Throw Down Your Heart. Le banjoïste y collabore avec des musiciens du Sénégal, du Mali, de Gambie. C'était en 2005, Fleck y explorait les origines de son instrument de prédilection, dont un lointain ancêtre à trois cordes identifié à Banjul (Gambie) qui aurait fait le voyage en Amérique avec les esclaves d'Afrique de l'Ouest.

De son côté, Toumani Diabaté a déjà ouvert ses horizons en collaborant avec divers musiciens occidentaux de renom, tels Damon Albarn et Björk. Sa rencontre sur scène avec Belà Fleck remonte au Winnipeg Folk Festival il y a deux ans. Au Théâtre Maisonneuve, on voyait à quel point ce duo avait acquis une grande maturité.

Les chapelets mélodiques de la kora, un instrument à 21 cordes, s'amalgamaient parfaitement dans les circonvolutions harmoniques du banjo. Des compositions de Fleck, par exemple, ont mis en lumière l'appropriation de Belà Fleck quant au patrimoine africain. Diabaté, pour sa part, nous a montré une ouverture à l'autre en se prêtant à de superbes dialogues avec son collègue.

Un long solo du maître de la kora, très proche de la grande tradition malienne et ouest-africaine, nous rappelle à quel point cet instrument exige une virtuosité comparable aux instruments occidentaux et témoigne d'une tradition fabuleuse.

Après l'entracte, Fleck nous ramène à son tour dans son monde. Les improvisations sont moins proches de l'idée que l'Américain se fait de l'Afrique que des multiples références musicales qui animent son jeu - folk appalachien, bluegrass, jazz moderne ou primitif (avec de petites pointes de ragtime) mais encore de musique baroque ou impressionnistes. Il choisit ensuite de jouer un banjo accordé dans des fréquences qui le mènent à dévoiler une dimension beaucoup plus africaine de sa partie solo. Encore là, se déploie la technique fabuleuse de Belà Fleck.

Le reste du concert sera essentiellement constitué d'échanges respectueux et de haute voltige au service de la musique, le tout coiffé du plus vieil air malien mémorisé par Diabaté - issu, il faut le rappeler, d'une lignée de 71 générations de griots ouest-africains. Au dessert? Un vrai cadeau aux fans, soit une évocation probante du fameux thème du film Deliverance, cette fois pour banjo et kora.

On se serait crus au Festival International de jazz de Montréal!