Dire que je ne suis pas un fan de la première heure est un euphémisme. J'avais 20 ans quand Les Colocs ont lancé leur premier album. J'écoutais The Grapes Of Wrath, The Cure et Nirvana. Tout ce qui tournait à la radio me semblait suspect, les chansons de ce party band comme les autres. Comme tout le monde, je connaissais Julie, Juste une p'tite nuite et les autres tubes du groupe de Dédé Fortin, mais je n'y prêtais qu'une oreille distraite.

Ç'a été comme ça jusqu'à Dehors novembre.

Et là, je suis tombé à la renverse. Je connaissais déjà l'enthousiasme, l'énergie et la voix des Colocs, que j'avais d'ailleurs vus en spectacle avec de vagues amis originaires du Lac-Saint-Jean. Happé par les musiques ambitieuses de leur troisième album, j'ai accroché et me suis finalement ouvert aux textes de Dédé Fortin. Drôle à dire pour un gars qui aime la littérature et la chanson dite à texte, mais jusque-là, je n'avais pas vraiment écouté ce qu'il racontait.

Dédé Fortin, c'est bien sûr le poète maudit qui épanche sa souffrance dans des chansons capables de tirer des larmes à un bloc de ciment. Si j'écoute encore Les Colocs aujourd'hui, c'est cependant moins pour ces chansons intimes que pour toutes celles où, au détour d'un vers ou d'un refrain, l'auteur ouvre une fenêtre sur le monde qui l'entoure.

Ce que j'aime dans Belzébuth, outre la superbe évocation de la vie d'un chat, c'est la critique furtive de la pub à la télé: «Après ça j'ai r'gardé la télé/Un documentaire, sur les panthères/Y'a quequ'chose qui m'a inspiré/Mais les annonces me tapaient su'es nerfs». Ce que j'aime dans Maudit que l'monde est beau, c'est le commentaire sur les jeans neufs avec «des faux trous».

Ce que j'aime dans Pis si ô moins, c'est l'aversion affichée pour les «Vendeurs d'ordre endimanchés/Distributeurs de cochonneries/Et de bonheur préfabriqué». Ce que j'aime et admire chez Les Colocs, c'est le Dédé vif, lucide et critique. Le Dédé vivant.