Il aura fallu un Américain pour convaincre Martha Wainwright d'enregistrer un album en français, entièrement composé de chansons d'Édith Piaf. La voici qui débarque dans sa ville natale pour chanter pour la première fois aux FrancoFolies. Conversation avec une artiste passionnée.

Martha Wainwright adore Édith Piaf, elle l'a toujours écoutée. Pourtant, quand le réputé réalisateur Hal Willner lui a proposé de faire un album en français de chansons de la môme, elle a hésité.

 

«Piaf m'a toujours touchée, mais comme elle est tellement connue et qu'en plus, il y a eu un film sur elle récemment, je trouvais que ce n'était pas une si bonne idée que ça, raconte la chanteuse de passage à Montréal, chez sa mère Kate McGarrigle. Mais comme je fais toujours des choses qui sont un peu en marge et que je fais entièrement confiance à Hal Willner, je lui ai dit de me soumettre des chansons. Il m'en a envoyé 300, de guerre, d'amour, patriotiques, que Piaf a interprétées des années 20 jusqu'à la fin des années 50!»

Du lot, elle en a retenu une quinzaine, pas nécessairement les plus connues. Et après quelques concerts confidentiels, elle a compris que l'idée de chanter du Piaf n'était pas si mauvaise. «Moi, je ne joue pas Édith, je ne chante pas comme elle - j'en serais incapable - et je ne lui ressemble pas du tout, dit-elle. C'est la musique qui devient prioritaire, pas nécessairement Piaf, ni son histoire. Mais c'est intéressant de reprendre les chansons d'une même artiste.»

L'album en question, qui sera offert en octobre, a été enregistré le mois dernier devant une centaine de spectateurs dans un petit théâtre new-yorkais. Le concert a été filmé en haute définition. Martha avait déjà appelé Laurent Saulnier pour lui dire qu'elle avait peut-être quelque chose pour les FrancoFolies. Normal, les Francos, comme le Festival de jazz d'ailleurs, ont toujours fait sentir à Martha et à son frère Rufus qu'ils étaient les bienvenus. Le hasard amène justement Rufus au festival rock Osheaga pendant le premier week-end des FrancoFolies.

Un disque qui tombe pile

Le projet Piaf tombe pile pour Martha Wainwright, entre deux albums de ses propres chansons. «Je viens à peine de commencer à écrire des chansons pour mon prochain album, dit-elle. L'industrie de la musique ne se porte pas très bien et je n'ai pas donné beaucoup de spectacles après la sortie de mon dernier disque (I Know You're Married, But I've Got Feelings Too, encensé par la critique internationale l'an dernier). On n'avait pas beaucoup d'argent, peu de gens ont acheté l'album, tout tournait au ralenti.»

Il y a deux semaines, elle n'avait pas encore choisi les chansons qu'elle interprétera avec ses musiciens aux FrancoFolies. Elle se proposait d'en faire 8 à 10 de Piaf, quelques chansons québécoises ainsi que d'autres, en anglais, de son propre répertoire.

Les fans de Martha l'ont déjà entendue chanter en spectacle Dis, quand reviendras-tu? de Barbara, un grand coup d'émotion. Pourtant, elle ne connaissait pas la chanson quand son frère Rufus la lui a suggérée. «Rufus a beaucoup d'intuition, il ne dit jamais rien pour rien, fait-elle remarquer. Barbara, comme Piaf mais d'une autre manière, c'est une femme forte qui chante des choses avec lesquelles je suis très à l'aise: la peine, la frustration.»

En français, les goûts des Wainwright sont souvent éclectiques, toujours étonnants. Martha peut aussi bien chanter Le coeur est un oiseau de Richard Desjardins - «J'adore cette chanson», dit-elle - que Ce matin des soeurs McGarrigle, qu'elle va interpréter aux FrancoFolies, ou encore, avec Rufus, une chanson de Joséphine Baker, Nuits de Miami.

«Mon frère et moi, nous avons toujours beaucoup été touchés par la musique des autres époques, dit-elle. J'aime bien le country, ça se voit un petit peu dans ma musique, ainsi que les auteurs-compositeurs-interprètes des années 70. Mais Rufus et moi, c'est vraiment la musique de la première partie du XXe siècle qui nous a beaucoup formés.»

Si son disque de Piaf a été enregistré à New York, c'est que le réalisateur et la plupart des musiciens sont new-yorkais. On a aussi voulu éviter de faire trop carte postale de Paris.

«Écoute, c'est évident, je m'appelle Wainwright, je ne suis pas française, je suis anglophone for sure, donc je ne voulais pas que ça soit trop franco-français, explique-t-elle. Mais j'ai hâte de chanter ces chansons à Montréal devant des spectateurs francophones pour voir leur réaction.»

Martha Wainwright, Théâtre Maisonneuve, 5 août, 20h