Le groupe prog-rock britannique Van der Graaf Generator n'avait pas joué une note depuis la fin des années 70 quand son noyau dur - Peter Hammill, Guy Evans et Hugh Banton - s'est retrouvé, en 2005, pour relancer la machine. Le plaisir de jouer ensemble est toujours intact, assure le chanteur, guitariste et pianiste Peter Hammill, interviewé à quelques jours d'un passage presque obligé ce soir, à Montréal.

«Bien sûr que je me souviens de notre premier concert à Montréal», raconte Hammill, qui a la gentillesse de prendre quelques minutes d'une journée de congé pour nous faire la causette. «Et des villes de Québec, Chicoutimi, Trois-Rivières et Rimouski, et des autres que nous avions visitées lors de notre toute première tournée nord-américaine. D'ailleurs, hormis un concert à New York et un autre à Toronto, tous nos spectacles avaient eu lieu dans la province de Québec! Je me souviens clairement de ces concerts puisqu'ils ont marqué une étape significative dans notre carrière.»

Avons-nous besoin encore d'insister sur le fait que le Québec était, dans les années 70, la terre promise de la scène rock progressive? Les groupes britanniques en particulier, ces Genesis, Emerson, Lake&Palmer, Yes, Gentle Giant et King Crimson, pour lesquels notre province servait de rampe de lancement à une carrière états-unienne et mondiale.

Chez nous, on aimait notre rock complexe et trituré. Et Van der Graaf Generator tapait dans le mille: les atmosphères souvent sombres des albums classiques du groupe facilitaient la comparaison avec King Crimson, l'orchestre expérimental de Robert Fripp (dont on entend d'ailleurs la guitare sur certains vieux disques de Van der Graaf), Adrian Belew, Tony Levin et compagnie.

Presque 30 ans après avoir mis un terme à l'aventure, les fans québécois feront la file ce soir au Théâtre Maisonneuve pour réentendre les chansons, anciennes et nouvelles, du groupe progressif culte - une étiquette (progressif) qu'a toujours refusé de porter Peter Hammill: «Bon, je suis moins pointilleux aujourd'hui à propos de l'étiquette «rock progressif», admet-il. Je réalise bien que les fans de Van der Graaf Generator sont des amateurs, non seulement de rock progressif, mais de toutes sortes de musique aussi.»

Pour comprendre ce refus de l'étiquette, il faut réécouter les albums du groupe pour réaliser que la musique de celui-ci est plutôt difficile à classer.

Du rock au free jazz, ses musiciens usaient de manière souvent inouïe de leurs instruments, faisant de chaque enregistrement une source d'étonnement pour qui voulait bien se risquer à tenter d'apprivoiser ces étranges et rigoureuses chansons.

Et par-dessus ces éclats polyrythmiques, des claviers et des cuivres musclés, la voix carrément surnaturelle de Peter Hammill, qui distillait aussi une poésie peu naturelle, dont les thèmes pouvaient passer de la science-fiction au sort de l'humanité. Une musique sans compromis, donc, seul fil conducteur de la carrière du groupe comme du parcours solo de Hammill, qui vient de lancer son 30e album solo, intitulé Thin Air.

«Dès le début de notre carrière, et de ma propre carrière solo, ce qui nous intéressait, c'était la musique elle-même, nous laisser guider par elle. L'aventure, bien plus que le rêve de devenir populaires. Or, aujourd'hui, nous sommes chanceux d'avoir encore un public pour acheter nos disques. Ce n'est pas un public très vaste, mais il est fidèle, rigoureux et exigeant.»

Celui qui se décrit d'abord comme un auteur, compositeur et interprète avant d'être un instrumentiste - «Hugh et Guy sont de bien meilleurs musiciens que moi!» - affirme prendre encore plaisir à poursuivre son travail de recherche musicale: «Un plaisir, et un privilège. Pour moi, ça a encore du sens de continuer.»

La réunion de Van der Graaf Generator n'avait jamais été écartée, semble-t-il, même après la (seconde) séparation du groupe, en 1976. Les musiciens sont toujours restés des camarades, même quand le rock progressif a perdu son lustre des années 70. En 2003, les trois musiciens évoquaient sérieusement une réunion, sur scène et sur disque, «parce que c'était le bon moment pour le faire, avant que l'un de nous disparaisse...»

Comme pour leur donner raison, à la fin de 2003, Peter Hammill a contracté un grave malaise cardiaque. «Heureusement, je me suis totalement rétabli, mais disons que ça nous a donné encore plus envie d'aller de l'avant avec la réunion», qui s'est concrétisée à Londres, en 2005.

Deux nouveaux albums plus tard (Present, puis Trisector, paru en 2008), voilà le groupe de retour à Montréal. Au programme, des nouvelles chansons, et le retour obligé sur l'oeuvre du passé. «On ne remonte pas aussi loin que The Least We Can Do is Wave to Each Other (1970); franchement, on décide à la dernière minute des chansons qu'on va jouer. Ce que je peux dire, c'est que toutes les chansons sont jouées avec la même ferveur, même si on ne joue plus notre ancien matériel comme lorsque nous avions 20 ans - ce qui ne veut pas dire qu'on joue sans énergie!»

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Van der Graaf Generator sera au Théâtre Maisonneuve de la PdA ce soir à 18 h.