Après un passage remarqué l'an dernier, le contrebassiste Renaud Garcia-Fons est de retour au Festival de jazz, qui lui consacre une série de trois concerts dans sa prestigieuse série Invitation, dont une création aux riches parfums de flamenco.

Dire que le Parisien Renaud Garcia-Fons fait partie de l'élite de la contrebasse jazz est un euphémisme. Non seulement cet incroyable virtuose a-t-il contribué à l'évolution récente du jeu de l'instrument (notamment pour sa technique d'archet), mais encore a-t-il aménagé un monde musical des plus riches, fondé sur l'idée qu'il se fait des sons méridionaux.

«Depuis toujours, mon goût musical est porté vers le Sud, bien au-delà de mes origines catalanes et espagnoles. J'écoute de la musique persane, ça ne vient pas de mes parents! Quand j'écoute du blues rural, c'est aussi une musique du Sud. Également quand j'écoute Piazzolla ou Gardel. Alors mon Sud est très vaste, c'est un peu un Sud imaginaire», explique le musicien, joint à Paris au téléphone il y a quelques jours.

Ainsi, Renaud Garcia-Fons essaie de suivre le fil de son inspiration et de sa mémoire musicale. Il compose sans prétendre donner à sa musique des références précises et particulières.

«En tout cas, j'aime bien les histoires de migrations. L'Argentine, par exemple, est peuplée d'Italiens, d'Espagnols, d'Allemands ou même de Turcs. Les bateaux d'immigrants y transportaient aussi des musiciens et leurs instruments, tel le bandonéon allemand. Cette idée me fascine. Pour moi, la musique est toujours un brassage d'influences, un mouvement.»

La musique de Renaud Garcia-Fons comporte néanmoins un centre: «L'Espagne est un peu mon creuset, car elle réunit l'Occident et l'Orient. La musique espagnole demeure aussi un centre musical, bien au-delà du flamenco. Si je fais également des standards de jazz? Oui, ça m'arrive. Notamment en duo avec le guitariste Sylvain Luc. Sans le jazz, vous savez, je ne pourrais faire la musique que je fais. Le jazz n'y est peut-être pas perceptible, mais il y est toujours présent. Comme le sucre dans le lait chaud, disait Coluche! Cette façon de construire les grooves, cette façon d'enchaîner les choses, d'improviser, tout ça est jazz.»

L'an dernier, on l'a vu et entendu pour la première fois au FIJM. L'impression fut bien assez puissante pour que le contrebassiste soit invité cette année, et ce, pour trois soirs d'affilée, dans le cadre de la prestigieuse série Invitation.

Le premier concert, annonce le musicien, sera une création. «Il y aura des solos, mais aussi un travail en duo avec la danseuse et chanteuse flamenco Sabrina Romero, 25 ans, qui a travaillé à Séville et qui est en France depuis deux ou trois ans. Et qui s'intéresse à des expériences différentes du flamenco pur. Du coup, elle interprétera deux chants avec un arrangement pour contrebasse et voix. Ce sera très différent de la couleur de mon récent album La linea del Sur, c'est-à-dire différent des interprétations de la chanteuse Esperanza Fernandez. Ce sera quelque chose de très personnalisé, avec de nouveaux morceaux et de la danse flamenca qui comportent le travail de percussions avec les pieds. Cette première aura vraiment lieu chez vous!»

Le deuxième concert est une rencontre de la contrebasse et de l'accordéon, que Garcia-Fons considère comme son «instrument frère».

«J'ai connu Jean-Louis Matinier à l'époque où nous étions tous deux dans l'Orchestre national de jazz de France, raconte-t-il. Il a ensuite joué dans mon quartette. Nous avons créé un duo à la fin des années 90. La présence du classique et de la musique de chambre y est beaucoup plus présente que dans ce que je joue ailleurs. Il s'agit donc d'une musique improvisée avec une ouverture encore plus grande. On sait d'où on part, Dieu seul sait où on va.»

Pour le dessert, Renaud Garcia-Fons présente le quartette qu'il forme avec l'accordéoniste David Venitucci, le guitariste Kiko Ruiz et le percussionniste Pascal Rollando, qu'on peut aussi apprécier sur l'album La linea del Sur.

«Ce nouvel enregistrement est moins marqué par le flamenco que le précédent (Arcoluz), les sources d'inspirations sont plus larges. Je suis donc parti de cette mémoire géographique du Sud, bien au-delà des musiques hispanisantes, pour ainsi tracer une ligne imaginaire entre ces différentes musiques du Sud. Et il n'y a rien d'ethnomusicologique dans tout ça.»

Renaud Garcia-Fons se produit demain, vendredi et samedi, à 18 h, au Gesù.

 

En un mot

Renaud Garcia-Fons est l'un des très grands contrebassistes de l'heure.

Album essentiel

La Linea del Sur. Le mieux intégré de sa discographie. Traversé par différentes musiques méridionales, cet album résume parfaitement la démarche de ce virtuose.