Après les inaugurations et les discours, les avant-premières et les préouvertures, voici enfin venu le moment de la musique, où chacun, selon ses intérêts et ses goûts, choisit, explore, essaye, découvre.

Ainsi, hier matin, dans le pavillon du Salon international de la musique de Montréal-GM, trois jeunes gars suivaient le premier cours de René Gilbert et, après une heure, l'index ici et le majeur là, ils savaient jouer de la guitare. Enfin, ils savaient trois accords sur lesquels, on l'a vu, se sont construites de nombreuses carrières.

Le pavillon SIMM-GM fait partie du nouveau Village de la musique, construit à l'extrémité nord-ouest du site, la nouvelle entrée in du Festival (de Maisonneuve/de Bleury), car elle mène directement à la Place des festivals. Remarquable entrée aussi dans l'histoire d'une étiquette et de musiciens légendaires - aucune musique ne compte plus de «légendes» que le jazz, c'est connu - pour ceux et celles qui prendront le temps de visiter, adjacente au pavillion SIMM GM, l'exposition 70 ans de pochettes Blue Note, présentée jusqu'au 8 juillet par Blue Note, le FIJM et Archambault.

Blue Note - du nom de la «note bleue» ou «note triste» caractéristique du blues et du jazz - a été fondée en 1939 par deux Allemands immigrés aux États-Unis. D'abord label de jazz hot et de boogie woogie, Blue Note a ensuite étendu son champ au be-bop puis au «hard bop», qui mariait le be-bop aux musiques cousines tels le blues et le gospel. Summertime, interprété par le clarinettiste et saxophoniste Sydney Bechet, a été le premier hit de Blue Note, qui a ensuite fait découvrir des noms comme Thelonious Monk, Art Blakey, Milt Jackson.

En 1956, Blue Note a débauché Reid Miles, du magazine Esquire, et le nouvel «Art Director» s'est mis d'entrée de jeu à concevoir des pochettes dont la qualité égalait celle de la musique du label, le seul qui rémunérait les musiciens pour répéter avant les enregistrements. C'est le travail de Miles - découpage de photos serré, mariage du noir et blanc et de la couleur, lettrage moderne - que l'on peut admirer dans cette expo, heureuse initiative menée à bien par Éric Martineau et Nathalie Gay.

Archambault y a installé des postes d'écoute et y vend quelques dizaines de titres de l'imposant catalogue de Blue Note. De ceux du virtuose de l'orgue Hammond B 3 Jimmy Smith à ceux du saxo Hank Mobley (25 titres chez Blue Note) en passant par le must des must: Blue Train de John Coltrane.

André Ménard, le directeur artistique du FIJM, a choisi 30 des pochettes les plus représentatives de la période «vintage» de Blue Note, de la période pop des Lee Morgan à «l'éloquente simplicité» de Horace Silver, cofondateur des Jazz Messengers avec Art Blakey.

Hier matin, Ménard a fait visiter l'exposition au président de Blue Note, Bruce Lundvall, qui avait mardi le nouveau prix du FIJM, qui porte son nom et qui sera remis annuellement à une personnalité de l'industrie du spectacle, du disque ou des médias.

M. Lundvall s'est dit impressionné par cette exposition qui lui rappelle «la grande époque du 12x12», soit la dimension (12 pouces carrés) des anciennes pochettes de 33 tours. La plus petite dimension des CD (environ 5x5 pouces) influence-t-elle la conception des pochettes? «Plusieurs concepteurs travaillent encore en 12x12 et réduisent ensuite en format CD.» Texte inclus, ce qui explique les bouts illisibles... Ce qui n'a pas empêché Norah Jones, figure de proue de Blue Note version moderne, de vendre 23 millions de CD.

Et le vétéran du bizness de raconter comment ses collaborateurs étaient venus le voir, quand le CD se pointait au début des années 80, pour en stopper l'arrivée, pour des raisons graphiques justement: «Je leur avais dit que nous allions devoir nous ajuster...» Sage approche, mais M. Lundvall le rappelle, «le 12x12 fait un retour».