Kevin Martin récolte aujourd'hui les fruits de presque 20 ans de labeur dans l'underground musical.

The Bug est sans contredit le plus populaire et rassembleur de ses nombreux projets depuis l'influent Techno Animal du milieu des années 90. Ce créateur d'une mixture de musique électronique et de culture jamaïcaine à valeur ajoutée de basses fréquences fera trembler les fondations du Club Soda ce soir, dès minuit.

«Tu me prends en studio, lance Kevin Martin au bout du fil transatlantique. J'étais en train d'enregistrer une pièce avec une chanteuse d'origine japonaise, Kiki Hitomi. La chanson se nomme Purple Smoke, c'est pour un tout nouveau projet; cette chanson est destinée à la prochaine compilation du label Hyperdub, mais nous n'avons pas encore décidé du nom du projet... Tu veux écouter ce que ça donne? En plus, j'ai Kiki devant moi, je sens que ça va la gêner...» Chouette alors, une exclusivité!

Hitomi chante en japonais une mélodie de comptine d'enfants; sous sa voix flûtée, une vague de basses fréquences, beaucoup de sons atmosphériques, presque bruitistes, quelques timides coups de batterie. L'atmosphère générale est résolument moins colérique que ces rigides compositions qu'on retrouve sur London Zoo, le plus récent album de Martin sous le pseudonyme The Bug.

King Midas Sound

Que Martin n'ait pas encore trouvé le nom de ce projet fait sourire. «Je dois avoir un problème de schizophrénie», dit-il en rigolant. C'est que le type collectionne les pseudonymes depuis la fin des années 80 - ses plus connus étant God, Techno Animal, Pressure (dans une veine dub électronique) et, plus récemment King Midas Sound, un nom qu'il utilise lorsqu'il travaille avec l'influent label Hyperdub de Kode 9, associé de près au courant dubstep.

«J'ai presque terminé l'album de King Midas Sound, après trois ans de travail!» confirme Martin. Si c'est aussi bon que les contemplatives et exploratoires One Ting et Lost, deux chansons déjà parues, ça promet. «Une des raisons pour lesquelles j'ai démarré King Midas Sound, c'est parce que j'en avais marre d'être étiqueté techno-ragga abrasif, à cause de mes disques sous le nom de The Bug. Et puis, j'avais envie de faire un disque qu'on pourrait écouter tranquillement chez soi, en revenant d'une soirée en boîte, par exemple.»

«J'aime les pseudonymes. J'aime passer incognito auprès des mélomanes. J'aime que chacun de ces noms me force à aborder différemment les projets auxquels je me consacre. Je préfère évoluer, me transformer, à travers chacun de ces noms, plutôt que de faire évoluer une seule entité.»

Kevin Martin a une feuille de route plutôt riche; journaliste et critique de musique dans son ancienne vie, il a d'abord exploré le jazz et le noise avant d'embrasser le techno (Techno Animal). Ses goûts l'ont depuis longtemps attiré vers l'héritage jamaïcain dans la pop: au milieu des années 90, il a assuré la direction artistique de la compilation Macro Dub Infection, un album de référence pour l'époque. Son premier album sous le nom The Bug, qui s'approprie le dub et le ragga/dancehall dans un contexte de musique électronique contemporaine, remonte à 1997.

Fier héritier des Mad Professor et Adrian Sherwood, qui ont défini dans les années 80 le nouveau dub britannique (Sherwood s'attaque d'ailleurs à une version dub de London Zoo, son récent album pour Ninja Tune), Martin a fini par être associé au dubstep, presque par inadvertance.

«C'est Kode9 qui m'a fait découvrir cette scène après m'avoir interviewé en 2003, lors de la sortie du disque Pressure. Il m'a présenté les Digital Mystiks, Skream, Benga; j'ai vu naître la scène lors des soirées FWD. C'était très inspirant de rencontrer des gens issus de scènes différentes, mais avec qui je partageais des liens musicaux. C'est dans cet état d'esprit que j'ai composé l'album London Zoo. Qu'il viendra présenter à nouveau au Club Soda ce soir au Festival de jazz.

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The Bug sera accompagné ce soir des MC Flowdan et Daddy Freddy.