Il faut bien le dire, les festivaliers sont de nature magnanime. Non seulement la météo a décidé de faire des caprices, forçant les gens à brandir leur parapluie, mais la majorité des dizaines de milliers de spectateurs réunis hier au centre-ville n'ont pas eu la chance de voir directement Stevie Wonder, devant ainsi se résoudre à assister au concert diffusé sur un des écrans géants aménagés sur le site.

Malgré tout, la proverbiale bonne humeur festivalière était de mise. Ces rassemblements de foule forment un mélange spontané de folie et de frustration passagère, surtout à l'endroit des mesures pas toujours claires de circulation piétonne qui étaient appliquées, tant bien que mal, par les cadets de la SPVM et les employés du FIJM qui, eux aussi, devaient apprivoiser ces nouveaux lieux.  

On est venu de partout pour assister à cet événement d'envergure. Au cours de la soirée, nous avons notamment croisé deux jeunes «backpackers» de Barcelone, visitant Montréal pour la première fois: «Nous ne savions même pas que Stevie Wonder donnait un concert gratuit avant d'arriver à Montréal!», disait Claudia, accompagnée de son copain, qui retrouvait un peu de l'atmosphère de sa ville d'origine dans la bonne humeur ambiante.

 

Rencontrés au coin de l'avenue Président-Kennedy et de la rue Jeanne-Mance, deux frères dans la vingtaine venus du Liban qui semblaient à la fois amusés et stupéfaits de l'ampleur de l'événement. «C'est notre première fois au Canada!» disait l'un pendant que son grand frère filmait tout ce qu'il pouvait avec sa caméra numérique.

 

La crise économique a peut-être refroidi quelques vacanciers étasuniens, mais nous n'avons pas eu de mal à en trouver qui ont traversé la frontière, mardi soir dernier. On venait de Washington, de Chicago, de New-York (un couple dans la cinquantaine qui a pris l'habitude de réserver ses vacances pour assister au Festival de jazz) et des états limitrophes du Vermont et du Maine, avec l'espoir de profiter d'une belle soirée en compagnie de la légende afro-américaine.

 

Bouchons de circulation

 

La patience de certains festivaliers a aussi été mise à l'épreuve durant cette soirée de «baptême» de la nouvelle Place des Festivals, laquelle était déjà presque bondée vers 18h, quatre heures avant l'arrivée de Stevie Wonder (lequel a commencé son spectacle avec une trentaine de minutes de retard).

 

Arrivé vers 19h, deux couples de Montréal dans la quarantaine ont tenté de se trouver un endroit confortable sur la Place des Festivals. «Nous étions trop tassés, nous disait madame alors que la pluie venait de commencer. Nous avons donc opté pour l'Esplanade» de la Place des Arts, où la foule était un peu moins compacte. «Si seulement les gens rangeaient leurs parapluies, on pourrait au moins voir l'écran...»

 

De tous les Montréalais sondés, personne n'était en encore mesure de donner un avis éclairé à propos de cette Place des Festivals fraîchement inaugurée. «On sait qu'on y est, mais on ne la voit pas. 'Faudra revenir lorsqu'il y aura moins de monde», disait un homme dans la soixantaine, que son épouse tirait par la manche en vers la scène. «Vite, on va essayer de sa faufiler!», lui sommait-elle d'une voix qui laissait poindre de l'anxiété...

 

Vers 19h30, les accès à la Place des Festivals et la rue Jeanne-Mance étaient déjà fermés au coin des rues Maisonneuve et President-Kennedy, provoquant quelques volatiles échanges entre préposés à la circulation humaine et festivaliers. «Pour entrer sur le site, il faut arriver par le nord!», via la rue Sherbrooke, criaient les employés du festival. De fait, la mer de festivaliers partait du pied de la scène de la Place des Festivals jusqu'en haut de la butte de la rue Jeanne-Mance, à l'intersection de Sherbrooke. On n'y voyait que dalle, mais le son était bon!