Jamie Cullum a tous les talents et une gueule d'enfer. Son prochain album pourrait le propulser parmi les superstars de la musique, tous genres confondus. Mais il en faut bien plus pour faire perdre son calme au jeune pianiste et chanteur britannique qu'on reverra enfin à Montréal demain soir.

Il y a 10 jours, Jamie Cullum chantait pour la première fois au prestigieux Carnegie Hall de New York. Samedi dernier, il se produisait avec ses quatre musiciens à Glastonbury, le plus gros festival rock britannique. S'il était nerveux, il n'en a sûrement rien laissé paraître, même qu'il l'était sans doute moins que lorsqu'il a chanté Mysterious Ways devant U2, l'an dernier, à Londres.

«C'est énervant de jouer une chanson de U2 devant tout le groupe, mais je me suis vraiment amusé», concède, au téléphone de Londres, le Britannique de 29 ans qui donne franchement l'impression que pour lui, le plaisir l'emporte toujours sur la pression.

Pourtant, cette pression existe bel et bien. Quatre années se seront écoulées depuis la sortie de son dernier album de jazz-pop Catching Tales quand paraîtra The Pursuit en octobre prochain. Pas très rapide pour celui qui avait écrit, orchestré et enregistré Catching Tales en trois petits mois. C'est ce qu'ont dû se dire tous les festivals de la terre, qui lui auraient déroulé le tapis rouge s'il avait été disponible l'an dernier.

Mais il ne l'était pas. Il lui fallait se consacrer à ce nouvel album dont sa compagnie de disques espère qu'il le propulsera parmi les superstars de la planète, faisant de lui un successeur moderne de Billy Joel: bon pianiste et chanteur, véritable bête de scène et auteur-compositeur talentueux.

L'explication du principal intéressé est plus poétique: «L'agriculteur qui laboure sa terre tous les ans doit laisser au sol le temps de renouveler ses ressources. Je me sentais un peu comme ça: j'avais tellement voyagé, tellement joué de musique, que j'avais besoin de répit. Quand j'ai repris le travail, ça m'a pris environ quatre à cinq mois pour faire l'album.»

Un micro dans la cuisine

Le gros du travail a été effectué en studio à Los Angeles, mais Cullum a aussi enregistré dans sa cuisine avec la collaboration de son frère. «Mon piano sonne très bien dans ma cuisine, dit-il. Aujourd'hui, avec un bon micro, tu peux faire pas mal de choses.»

The Pursuit sera composé à peu près à parts égales de chansons écrites par Cullum et de reprises de Cole Porter à Stephen Sondheim en passant par Rihanna, qu'il compte bien jouer demain soir à la salle Wilfrid-Pelletier. Le jazz, estime-t-il, lui donne justement la liberté de reprendre tout ce qui lui passe par la tête.

«Charlie Parker a repris Oh Lady Be Good et Sidney Bechet a joué Summertime, rappelle-t-il. En jazz, tu ne te demandes pas si tu as le droit de reprendre une chanson, l'important c'est qu'elle te fournisse une belle occasion d'improviser. Avant de reprendre The Wind Cries Mary, j'ai fait un drôle de rêve où Dr. John faisait un jam avec Jimi Hendrix; c'est de là que vient le groove de La Nouvelle-Orléans.»

Récemment, Cullum a vécu ce qu'il qualifie d'un des plus beaux moments de sa vie professionnelle, quand il a écrit la chanson du film Gran Torino avec le réalisateur Clint Eastwood.

«Clint te donne beaucoup d'espace, dit-il. Il ne travaille qu'avec des gens qui sont capables de faire exactement ce qu'il veut ou qui peuvent reproduire ce qu'il a en tête.»

Ceux qui ont déjà vu Jamie Cullum au Cabaret du Musée Juste pour rire, au Spectrum ou au Théâtre Maisonneuve - il était également de l'hommage en plein air à Paul Simon au Festival de jazz en 2006 - ne seront pas étonnés d'apprendre que, tout récemment, il a posé son pied sur le clavier de son piano avant de monter dessus à l'émission Dancing With the Stars.

«Je veux traiter le piano comme un instrument rock 'n' roll plutôt que comme l'instrument auquel je n'avais pas le droit de toucher quand j'allais à l'école, insiste-t-il. Plusieurs personnes considèrent le piano comme quelque chose de sacré; c'est un bel instrument qu'il faut traiter avec respect, mais quand tu es léger comme moi, tu peux monter dessus!»

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Jamie Cullum, Salle Wilfrid-Pelletier, le 1er juillet, 19 h 30.


 

En un mot

Une superstar en puissance, tous genres confondus.

Dernier disque

Catching Tales, Verve/Universal.

À écouter

Catch the Sun, London Skies