Rares sont les artistes qui peuvent se vanter d'avoir produit 50 albums en carrière. À 73 ans, Jean Lapointe vient de réaliser cet exploit avec L'eau, où il livre son «testament musical». Un disque de ballades et de chansons engagées dans lequel le sénateur «se paie la traite» en compagnie de son ami Jean-Pierre Ferland et nulle autre que Céline Dion.

«C'est mon meilleur album à vie!» lance le chanteur, enthousiaste. «J'y ai consacré plus de jours et de nuits que mes 10 derniers albums réunis. Ça ne veut pas dire que c'est du Ferland, du Ferré ou du Vigneault. Je sais où est ma place dans la chanson. Mais pour du Lapointe, c'est du ben bon Lapointe! Si c'est mon dernier, je veux que l'on ne l'oublie pas.»

 

Sur L'eau, Lapointe signe les textes et la musique de la majorité des 11 titres. Il dit avoir sélectionné des chansons qui représentent différentes facettes de sa personnalité. Mais c'est l'homme politique qui se fait le plus rapidement sentir à travers les arrangements blues et country.

La chasse aux phoques - qu'il a composée à la demande de sa collègue au Sénat Céline Hervieux-Payette - défend le droit des Madelinots à chasser le phoque. Dans la pièce titre L'eau, Lapointe lance un cri du coeur en faveur de la préservation de l'or bleu.

«L'avantage avec une chanson, c'est que ça n'a pas de parti politique. Lorsque l'on tente de convaincre quelqu'un au Sénat pendant une heure et demie, cela peut être très pénible. En chanson, c'est plus sympathique. Mes années de métier m'ont fait réaliser qu'une chanson peut avoir une très grande portée dans la population.»

Le chanteur est également retourné à ses racines d'humoriste en incluant quelques chansons à saveur comique. Il misera aussi sur ses talents d'humoriste lors de sa tournée québécoise, qu'il entreprendra en 2010.

«Dans plusieurs cas, mes nouvelles chansons sont plus profondes et plus émouvantes, mais sur scène, ils vont retrouver un Lapointe d'autrefois. C'est le retour du comique. Pas forcément comme à l'époque des cabarets, mais je compte intégrer des imitations et des personnages.»

Collaborations d'envergure

Il a fallu cinq ans avant que Jean Lapointe termine son «album de rêve». Mais ce n'est que l'an dernier qu'il a obtenu la collaboration de Céline Dion.

«J'ai écrit la chanson l'été et je l'ai fait entendre à René au club de golf où nous sommes membres. Tout de suite, il est devenu ému. Il m'a dit que c'était dommage que Céline ne fasse pas un album en français cette année, parce qu'elle aurait pris la chanson. Alors j'ai répondu: penses-tu qu'elle viendrait faire un petit saut sur mon album?»

La réponse ne s'est pas fait attendre. En janvier, la star mondiale aurait enregistré la version finale dans... la salle de bains de sa loge à Cleveland.

«Quand je l'ai écoutée pour la première fois, j'ai pleuré», raconte, encore ému, Jean Lapointe.

En plus de son duo avec Céline Dion, Lapointe est allé recruter un autre grand nom de la chanson québécoise: Jean-Pierre Ferland. Dans Lettre à Jean-Pierre, il exprime tantôt de façon triste, tantôt de manière humoristique la peur qu'il a eue de perdre son ami de longue date après son AVC.

La chanson se termine avec une blague de Ferland, qui lui dit qu'il veut aussi le garder, donc qu'il doit cesser de fumer.

«Ça cultive mon timbre de voix, lance Lapointe, mi-sérieux. Je la trouve plus belle aujourd'hui qu'il y a 20 ans. Elle est plus calme. Ça me permet de me concentrer davantage sur le texte, d'y mettre plus de profondeur.»

À 73 ans, Jean Lapointe a un C.V. bien rempli. Il cumule les casquettes de chanteur, acteur, humoriste, sénateur libéral et auteur. La retraite? Il n'y pense pas.

«Tout ce qu'il me reste à faire, c'est de continuer d'effectuer tout ce que je fais avec honnêteté. Les gens savent tout sur moi, j'ai essayé autant que possible d'être d'une rigoureuse honnêteté. Cela fait partie de mon rétablissement en tant qu'alcoolique. Dans mon métier, dans mes chansons, dans tout. Car si tu es honnête, tu ne te trompes pas.»

 

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Ses quatre plus grands souvenirs

Avril 1963

Apparition au Ed Sullivan Show

Le duo comique les Jérolas - où Lapointe partage la vedette avec Jérôme Lemay - est invité à la populaire émission de télévision Ed Sullivan Show. La performance des deux premiers Québécois à se produire à l'émission fait un tabac. «Ça nous a mis sur la carte, dit Jean Lapointe. Nous avons gagné beaucoup de popularité. Au souper après le spectacle, Ed Sullivan a lancé: Bring me those French Canadian boys! Nous avons mangé avec lui. C'était un moment extraordinaire.»

1977

Sa première Place des Arts

C'est en 1977 que Jean Lapointe lance sa carrière solo avec un spectacle à la Place des Arts. «J'avais peur que ce soit un flop. Mais finalement, j'ai reçu une ovation. Je devais faire trois soirs, finalement j'en ai fait neuf à guichets fermés!»

1981

Record au Grand Théâtre de Québec

Encore à ce jour, Jean Lapointe détient le record du plus grand nombre de soirs consécutifs à guichets fermés au Grand Théâtre de Québec. «J'ai fait 38 spectacles de suite! Ça représente 68 803 entrées. Je suis un petit gars de Québec, donc ça m'avait rendu particulièrement fier.»

Février 1985

Ovation à l'Olympia de Paris

Pour plusieurs artistes, le passage à l'Olympia de Paris est vu comme une consécration. «C'est une soirée que je n'oublierai jamais, raconte Jean Lapointe. Il y a eu sept ou huit rideaux. L'ovation a été interminable, ça m'a beaucoup touché.»