Willie Nelson aura 76 ans le 30 avril. Il pourrait se la couler douce, vivre des revenus que lui rapportent les grandes chansons qu'il a écrites, dont Crazy. Que non. Le musicien rebelle qu'on applaudira vendredi à la salle Wilfrid-Pelletier est toujours là où on ne l'attend pas.

Le 9 février dernier, l'autocar dans lequel Willie Nelson passe le plus clair de son temps était stationné dans la 60e Rue à New York. Juste à côté, au Rose Theater, Willie jouait de la guitare et chantait avec le jazzman Wynton Marsalis, ses musiciens, et la belle Norah Jones dans le cadre de la série Jazz at Lincoln Center.

Deux ans auparavant, Wynton et Willie avaient donné au même endroit, mais dans une salle plus petite, deux concerts fabuleux immortalisés sur le CD et le DVD Live From New York City que je ne saurais trop vous recommander. Cette fois, l'imprésario de Willie Nelson a suggéré de s'attaquer à un tout autre répertoire, celui de Ray Charles. Et le concert a été tout aussi fascinant que celui de 2007 - vous pourrez en juger quand sera lancé le DVD en septembre prochain.

Il fallait voir Marsalis et le saxophoniste Walter Blanding rire de bonheur pendant que Willie y allait d'un solo de guitare au milieu de la chanson Here We Go Again. Parce qu'un solo de Willie, avec sa vieille guitare acoustique trouée dont il maltraite joyeusement les cordes, quand il ne les brise pas, c'est quelque chose, dirait Mario Lemieux.

«Je suis solidaire de Willie parce que nous avons tous deux la prétention de jouer de la guitare; il n'est pas très bon, me disait en souriant Zachary Richard la semaine dernière. Mais il a un charme fou, et ce qui compte pour lui, c'est le plaisir: I love the life I live and I live the life I love

Zachary Richard admire Willie Nelson, l'auteur de chansons immortelles et le rebelle qui a fait un pied de nez à l'establishment de Nashville. L'artiste louisianais a même visité à quelques reprises son autocar de tournée où il a vu, sans surprise aucune, des pétards gros comme ça. «Willie, c'est un cas à part, dit Zachary. Juste pour avoir écrit Crazy, il mérite une place au panthéon de la musique.»

C'est justement Crazy que Diana Krall et son mari Elvis Costello ont chantée avec Willie Nelson en avril 2003 au Beacon Theatre de New York quand ce dernier a fêté ses 70 ans avec des artistes aussi différents que Paul Simon, Leon Russell, Shania Twain, John Mellencamp, Wyclef Jean et ZZ Top. Et qui pensez-vous a présenté Willie à la foule ce soir-là? Nul autre que Bill Clinton!

«Ça s'est fait très spontanément, m'a raconté Diana Krall, vendredi dernier. Nous allions voir le spectacle, mais une fois sur place Willie nous a dit: «Vous voulez chanter quelque chose?» J'adore Willie Nelson, on comprend tout de suite pourquoi Miles (Davis) l'aimait tellement, c'est un amour! Il est l'homme le plus relaxe, le plus naturel, original et unique que je connaisse. Je viens tout juste d'enregistrer une chanson avec lui pour son prochain album: If I Had You. Ça nous a pris à peu près 20 minutes, c'était super!»

Willie Nelson a fait siennes des chansons comme Always on My Mind d'Elvis ou le standard Stardust. C'est le même Willie à la longue tresse et au chapeau de cowboy qui a enregistré To All the Girls I've Loved Before avec le crooner espagnol Julio Iglesias.

Cette liberté qu'il chérit par-dessus tout fait de ses concerts des entreprises à risque. S'il sert à son public les chansons qu'il veut entendre, il le fait à sa manière, en chantant souvent en périphérie de la mélodie. Quant à ses solos de guitare, les fans disent qu'ils sont déstabilisants et originaux, d'autres les trouvent expédiés.

Wynton Marsalis compte parmi les fans. «Il est très imprévisible, ça prend beaucoup de courage pour improviser», dit le grand trompettiste dans le DVD Live From New York City. Willie, lui, résume son art en deux petites phrases éloquentes: «Certaines musiques englobent tout. Et c'est pas mal le genre de musique que j'aime jouer.»

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WILLIE NELSON, à la salle Wilfrid-Pelletier, le 10 avril. En lever de rideau, Billy Bob Thornton et les Boxmasters, puis Ray Price.