Arcade Fire a documenté à sa façon l'enregistrement et la tournée du disque Neon Bible. Avec un film d'art, le très beau Miroir noir, sera présenté demain au National. On en discute avec le bassiste du groupe Richard Reed Parry.

Pour une séance photo à Montréal, le groupe Arcade Fire a engagé un hypnotiseur. «L'idée, c'était qu'il nous hypnotise pour qu'on paraisse dingues. Mais ça n'a pas fonctionné. J'imagine qu'on était trop conscients de tout le processus», raconte Richard Reed Parry au téléphone, de Toronto.

L'épisode apparaît brièvement dans Miroir noir. Comme cette séance photo, le film de Vincent Morisset et Vincent Moon s'est construit un peu par essai et erreur. Tout a commencé avec une petite caméra dans l'église-studio de Farnham.

«Notre agent nous a offert la caméra quand on a commencé le disque, se souvient le grand rouquin. Il voulait qu'on conserve des souvenirs. On déconnait donc avec la caméra pendant les enregistrements, qui se sont prolongés pendant un an. C'est devenu le germe du film.»

Le groupe n'était pas seul à accumuler des images. Pendant la tournée, Vincent Moon (instigateur des Concerts à emporter - www.concertaemporter.com) a parfois filmé les spectacles du groupe. «Il nous a finalement proposé de faire un film qui dépasse la simple captation. Comme c'est un véritable cinéaste et aussi un ami, on a accepté. Même chose avec Vincent Morisset qui travaillait avec lui. Ils assistaient à une série de concerts, puis ils revenaient quelques semaines plus tard en disant: finalement, on veut en filmer d'autres. Puis ils revenaient encore peu après...»

Le résultat ne constitue pas un documentaire. Plutôt un film impressionniste sur l'époque Neon Bible. Une époque «étrange», avoue Richard Reed Parry. Étrange pourquoi? Il hésite un peu avant de répondre laconiquement. «Bien, ça devenait un peu fou avec le public...»

Comme des êtres humains

Pour le lancement du disque, Arcade Fire avait instauré une ligne téléphonique 1-800 avec répondeur. On entend quelques-uns des messages hallucinés laissés par des fans dans le film. Une mère parle de son gamin de 5 ans qui les adule. Un autre vocifère confusément. C'est peut-être le seul ancrage de Miroir noir, dépourvu de structure narrative.

Richard Reed Parry se souvient de quelques beaux moments captés sur pellicule. «La vie de tournée est brutale. On cesse parfois de se sentir comme un être humain. Mais on réussit aussi à déconner pas mal. Ça se voit par exemple dans la scène où on danse spontanément ensemble en coulisse.»

Dans une interview précédente, Parry disait écouter beaucoup The Band ces temps-ci. On revient sur le sujet. «Miroir noir est un peu à l'opposé de Last Waltz, juge-t-il. Scorsese filmait The Band avec son armée de caméramans. Notre film utilise plutôt des caméras à l'épaule et des images très intimistes. Ça correspond à notre esthétique de groupe maison.»

Il se réjouit d'avoir évité le piège du documentaire à la Classic Albums. «Tu connais le genre? (Il prend une voix à la Paul Beauregard) Et là, j'ai suggéré à Buddy d'ajouter cette piste de guitare, et on savait qu'on avait un hit dans les mains...»

C'est connu, Arcade Fire cherche autant l'attention médiatique qu'un albinos cherche le soleil. Sans surprise, ses membres restent à l'arrière-plan dans le film.

«On propose simplement un polaroïd du groupe à une époque particulière, justifie Parry. C'est un moment qui signifie quelque chose pour nous, mais certainement pas pour la société. On ne voulait pas prétendre le contraire.»

Peut-on s'attendre à une performance à l'improviste demain après le film? «Non, tranche-t-il. Ce n'est pas le bon moment. On est en mode écriture, pas en mode prestation.»

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Le film Miroir noir, présenté demain au National à 20 h 30. Disponible aussi en DVD et en téléchargement (www.miroir-noir.com).