Les Productions SuperMusique proposent ce soir un concert «ancré dans l'immédiat autour d'un dialogue guitaristique» entre Elliott Sharp, figure centrale de la musique d'avant-garde aux États-Unis, et Antoine Berthiaume, jeune musicien montréalais dont le dynamisme est à la hauteur de la vision.

Depuis les années 80, les mélomanes qui fréquentent les festivals de musique d'avant-garde (dont celui de Victoriaville) ont été mis au parfum des nombreux projets d'Elliott Sharp - Orchestra Carbon, Tectonics, Terraplane. Qui plus est Sharp est un pionnier dans les transpositions musicales de la géométrie fractale (qui étudie les formes irrégulières et morcelées), de la théorie du chaos et autres métaphores génétiques.

Rien de tel pour l'apéro!

Blague à part, le travail d'Elliott Sharp est sollicité par de nombreux ensembles qui jouent ses oeuvres dont l'ensemble de la renommée Juilliard School ou encore le Jack Quartet, nouveau quatuor à cordes bien en vue dans le milieu musical américain.

D'entrée de jeu, on lui rapporte cette impression d'avoir pénétré à l'intérieur d'un moteur d'avion ou dans la turbine d'un réacteur nucléaire. C'était à l'écoute de certaines pièces de Base, un album créé par Sharp et Berthiaume (étiquette Ambiances Magnétiques) et lancé ce soir à l'occasion du concert prévu à la Sala Rossa.

«Au centre d'un réacteur? Voilà une belle façon d'illustrer notre travail... mais j'ose croire que nous invitons aussi l'auditeur à fréquenter des lieux plus accueillants! Textural, dites-vous? Absolument. Lors des sessions d'enregistrement, nous avons emprunté cette voie où les guitares génèrent des textures sonores, mais je dirais que ça s'est passé davantage dans la post-production de cet album. Le mixage, il faut dire, a mis encore plus d'emphase sur cette dimension du jeu. J'ai donné à Antoine et l'ingénieur du son mon aval pour accomplir ce dont ils avaient envie», explique le musicien américain.

L'album Base, à l'origine, est une initiative du guitariste et compositeur montréalais Antoine Berthiaume. Membre fondateur du groupe Rodéoscopique (country folk instrumental d'avant-garde?), féru de jazz et d'improvisation libre, le guitariste et compositeur ne cesse de s'exprimer sur les scènes des musiques improvisées. Parmi ses collaborateurs, on citera Pierre Tanguay, Michel Donato, Fred Frith, feu Derek Bailey, Takumi Seino et, bien sûr, Elliott Sharp.

«Antoine m'a contacté il y a quelques années. Il m'a d'abord fait parvenir sa musique, notamment ses enregistrements avec feu Derek Bailey. Et j'ai beaucoup aimé ce que j'ai entendu. Puis il m'a visité à New York, nous avons eu une première séance d'improvisation. Ce fut concluant dès le départ, j'ai réalisé qu'il était un guitariste accompli, doté d'une écoute singulière», raconte son collègue new-yorkais.

Avis aux amateurs qui préféreraient écouter Base au salon, la résultante sur scène pourrait s'avérer fort différente.

«Chaque discipline comporte ses qualités propres, insiste Elliott Sharp. Le processus de remixage, par exemple, peut modifier les impressions d'un enregistrement. Cette idée de présenter la musique de différentes manières me plaît, et je dirais préférer le «live». Le concert trouve d'ailleurs une nouvelle énergie par les temps qui courent, particulièrement à cause de la dépréciation de la musique circulant sur l'internet.»

Ce qui n'empêchera pas Elliott Sharp et Antoine Berthiaume de lancer leur album ce soir. Bienvenue au coeur de la turbine...

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Elliott Sharp et Antoine Berthiaume ce soir à la Sala Rossa, 20 h 30.