Bien sûr, en entrevue, on a parlé avec Ginette Reno de son nouvel album, Fais-moi la tendresse, en magasin mardi. Mais une rencontre avec cet être hors du commun, c'est aussi l'occasion d'aborder tous les sujets possibles, de la foi à la famille, des larmes aux besoins les plus naturels du corps, de l'argent à la bonté, d'un disque pour la France à son autobiographie, de ses projets de films à sa quête spirituelle, de la dépendance à la passion, et j'en passe. Car Ginette Reno est plus, beaucoup plus qu'une chanson...

«Vous voyez le collier que je porte sur la pochette? me demande Ginette Reno. C'est un collier fait de diamants que m'ont donné les hommes de ma vie. Pour une séance-photo pour mon album, j'ai décidé de le porter, même si mon instinct me disait que ce n'était pas une bonne idée. Le concept de la photo, c'était que plein d'eau coule sur moi, comme si j'étais baptisée ou purifiée... Évidemment, après, j'étais mouillée de bord en bord, je suis donc allée me changer... et j'ai échappé le collier dans la toilette! Je ne m'en suis même pas rendu compte, je n'avais pas mes lunettes, je me suis juste dit «oh, oh, c'est spécial, des petits besoins qui brillent» et j'ai tiré la chasse d'eau! Disons que c'est une séance de photo qui m'a coûté cher! Une partie de mon passé est partie dans le fleuve... Une chance, le collier est immortalisé sur la photo. Mais le plus important surtout, c'est que je me suis libérée de ces souvenirs, que je portais comme une chaîne...» Et les yeux de Ginette Reno se mettent soudain à briller. Comme des diamants.

Des anecdotes de ce genre, qui allient le terre-à-terre et l'extraordinaire, Ginette Reno en a des dizaines et des dizaines, tant sa vie est aussi remplie que sa carrière - c'est même parce qu'elle les raconte pratiquement toutes qu'elle travaille toujours à l'écriture de son autobiographie.

Ainsi, à propos de son disque, elle est tout aussi capable de vous dire sans complexe qu'il lui a coûté cher (317 000$) que de vous raconter, avec une voix étranglée, la fois où sa fille Natacha s'est blessée grièvement en plongeant ou quand son fils Pascalin a failli perdre un oeil. Pascalin qui a réalisé, arrangé et mixé Fais-moi la tendresse.

«Faire accepter que Pascalin réalise l'album, explique-t-elle, ça a été difficile, on m'a dit des choses méchantes, on doutait beaucoup. Moi, je me suis simplement dit: «Il va encore falloir te battre, ma grande». J'y tenais, à Pascalin, parce que je sais que sur d'autres disques, je n'étais pas nécessairement capable d'exprimer mes vrais besoins. Cette fois, je l'étais, avec lui. Et on a pris le temps qu'il fallait pour ça. Un an et demi. C'était simple: le studio était dans la maison.» Dans cette maison de Boucherville de quelque 22 pièces, où Ginette Reno vit en compagnie de son amoureux Carlo et de son fils Pascalin: «Et pour le studio, Pascalin a pris trois pièces, des fois quatre, reprend-elle. Il y a des matins où je chantais mal et il me le disait direct, je lui répondais: «OK, Maman chantera pas, d'abord!». D'autres matins, je chantais bien et on en profitait. Des fois, les chansons me faisaient pleurer, et Pascalin me disait: «C'est correct, j'vais aller fumer une cigarette!» raconte-t-elle en riant.

Et quand elle a enregistré Attends jusqu'à demain, qu'elle a choisi parce que cette chanson lui rappelait le moment où elle a cru que son fils allait mourir du croup, Pascalin aussi a pleuré. En lui disant: «Sais-tu quoi, maman? Ma mère est la plus grande chanteuse du monde.»

Le public français ne s'y est pas trompé: en janvier dernier, Ginette Reno donnait 16 concerts au Palais des congrès de Paris. Et pour la première fois de ses 62 ans de vie, il a fallu que des gardiens du corps la protègent des fans! «On voulait me toucher, m'embrasser... En entendant les spectateurs dire «Piaf est revenue, Piaf est revenue», je me suis: tu es de la trempe des grandes, ma chérie. Je l'accepte aujourd'hui. Mais on n'a pas idée de ce que ça me coûte: l'anxiété, la peur sans nom avant d'entrer sur scène. Je sais que je suis hypersensible, c'est pour cela que les gens s'attachent à moi, mais justement, «j'y perds» quelque chose, chaque fois, chaque spectacle. Et j'imagine que ça n'arrêtera pas, hein?»

Non, ça n'arrêtera sans doute pas. Ni le doute abyssal de la chanteuse, ni l'émotion brute qui secoue une salle quand Ginette Reno y chante. «Chaque fois que je fais des choses importantes pour moi, j'ai l'impression que je vais mourir ensuite, explique-t-elle le plus sincèrement du monde. Vraiment. Cette fois-ci, j'ai dit au Seigneur: M'a faire une affaire avec vous, vous n'avez pas besoin de moi tout de suite, donnez-moi donc le temps d'aller présenter mon disque!»

Ce disque, elle le présentera ici, au Québec, mardi (avec séance d'autographes chez Archambault, à Montréal). Mais également dans une version un peu différente en France, avec peut-être Aznavour en duo pour Je cherche l'or du temps, Julio Iglesias pour Pour que tu m'aimes, etc. Ce n'est pas là son seul projet: elle songe à un album où elle enregistrerait de grandes chansons d'auteurs-compositeurs canadiens accompagnées par les orchestres symphoniques de tout le pays... Et elle rêve de tourner un film inspiré d'une pièce de théâtre dont Gilbert Bécaud avait fait la musique avant de mourir...

«Je voulais jouer Mamie Rose dans Oscar et la dame rose, mais le film vient de se faire. J'ai écrit un scénario aussi, ça s'appelle La folle du cirque, pour Céline (Dion) et moi. Mais quand je pense à la pièce mise en musique par Gilbert Bécaud (Rosa) ... Je vais dire comme un de mes amis: «J'ai demandé à Dieu une Ford Escort, mais si c'est une Cadillac qu'il me donne, je vais la prendre!» En me faisant faire mon album comme je l'ai fait, en me faisant connaître cette pièce-là, Dieu me donne peut-être quelque chose de plus approprié pour moi... Je vais la prendre, la Cadillac!»

 

ELLE EST BEAUCOUP PLUS QU'UNE CHANSON

Regard sur un parcours inusité

28 avril 1946

Naissance de Ginette Raynault à Montréal, dans une famille ouvrière de cinq enfants.

1950-1960

À 11 ans, femme de chambre dans un motel. Chanteuse dans divers cabarets, dont le Cabaret Caprice (40$ par semaine pour 22 spectacles). Premier prix à 13 ans, en 1959, à l'important concours amateur Les Découvertes de Jean Simon, au fameux Café de l'Est.

1960-1965

Jean Simon, devenu son imprésario, change son nom pour Reno. Premier 45 tours en 1962 (J'aime Guy), premiers albums et spectacle à la Place des Arts à 19 ans, en 1965.

1966-1968

Spectacle à la PDA avec Gilbert Bécaud, puis en France en 1967 et 1968. Copropriétaire de l'étiquette de disque Grand Prix en 1967. Nombreux trophées. Tournées. Lancement de plusieurs albums, dont le disque Joyeux Noël. Naissance de sa fille, Natacha Watier.

1969-1971

Premier disque en anglais, sur la fameuse étiquette britannique Decca. Spectacle avec l'OSM. Spectacle au Savoy de Londres, tournées québécoise et canadienne. Naissance de son fils, Cédric Watier en 1971.

1974

Succès des chansons Des croissants de soleil et T'es mon amour, t'es ma maîtresse avec Jean- Pierre Ferland. Études en art dramatique à l'Actors Studio de Los Angeles.

1975

Nombreux spectacles à Toronto et à Ottawa. Interprétation historique de Un peu plus haut, un peu plus loin lors du grand spectacle de la Saint-Jean-Baptiste, en juin, sur le mont Royal, devant 250 000 personnes.

1977-1979

Création de son étiquette de disques Melon Miel. Très nombreux spectacles au Québec, en France, à Las Vegas, à Los Angeles...

1970-1980

Succès phénoménal de la chanson Je ne suis qu'une chanson (écrite par Diane Juster). Ventes records de l'album du même titre (plus de 350 000 exemplaires), enregistré à la suggestion de son agent d'alors, René Angélil. Tournées et trophées.

1981-1982

Lancement de l'album Quand on se donne (elle cosigne notamment la chanson-titre avec Jean-Pierre Ferland). Premier spectacle en vedette à l'Olympia de Paris. Tournées au Québec. Écriture entre autres des paroles de la chanson Un homme, ça tient chaud. Naissance de son troisième enfant, Pascalin Charbonneau en 1982.

1985

Spectacle au Festival international de jazz de Montréal en compagnie de Michel Legrand.

1991

Lancement de son premier CD: L'essentiel, dont elle assure elle-même la distribution exclusive (expérience financière et logistique toutefois désastreuse). Tournage de son premier film, Léolo de Jean-Claude Lauzon, dans lequel elle tient le rôle-clé de la mère de Léolo. Grande vente de débarras à sa résidence de Boucherville. Elle commence à peindre.

1995

Tournage de la télésérie Les jumelles Dionne. Trophée hommage de l'ADISQ.

1998

Tournage du film C't'à ton tour, Laura Cadieux, réalisé par Denise Filiatrault d'après l'oeuvre de Michel Tremblay, dans lequel Ginette Reno tient le rôle-titre (tournage de la suite du film l'année suivante).

2000-2002

Lancement des albums Un grand Noël d'amour et The First Noël.

2003

Spectacle événement : trois soirs au Centre Bell , chacun des spectacles étant consacré à une période de sa carrière. Début de l'écriture de son autobiographie. Tournage du film Mambo Italiano.

2004-2006

Lancement de quatre coffrets avec quelque 150 chansons. Création de la fondation Ginette-Reno, pour les femmes et enfants maltraités. Tournage du film Le secret de ma mère.

2008

Interprétation avec Céline Dion de la chanson Un peu plus haut, un peu plus loin, sur les plaines d'Abraham, dans le cadre du 400e anniversaire de Québec.

2009

Lancement de ce qui devrait être son 37e album studio, Fais-moi la tendresse (plus de 75 albums en comptant les compilations).