Au fond, on ne saurait dire s'il s'agit avant tout d'un trip de création de groupe, ou simplement une bonne excuse pour s'enfermer un mois durant dans un chalet et faire la fête. Qu'importe, puisque le résultat est bon: le collectif hip-hop Movèzerbe lancera mardi prochain Dendrophile, son délicieux premier album.

Autour de la table, dans un café du Mile-End, trois expatriés de la scène hip-hop de la Capitale, Boogat, Tom (du duo Les 2Toms) et KenLo. Les représentants du collectif devant la presse montréalaise, en vue du lancement du premier album de Movèzerbe, une entreprise finalement moins ambitieuse qu'elle n'y paraît, au vu de ses origines.

 

«Tout ça est parti du morceau Le feu, du dernier album de Boogat (Pattes de salamandres, en 2006), rappelle Tom. Une espèce de gros titre collectif; l'esprit qui régnait, le travail de composer en groupe, on s'est dit qu'il fallait remettre ça...»

Ils s'y sont mis à huit: en plus des trois réunis pour l'entrevue, il y a les deux gars d'Accrophone, Karim Ouellet, Mash (le deuxième Tom) et AbidboX. La bande, qui anime la trépidante scène rap de Québec, s'est baptisée Movèzerbe.

Movèzerbe. Le nom circule depuis quelques mois déjà. C'est Daniel Russo-Garrido, alias Boogat, qui m'avait tendu la perche. Ça s'en vient, prévenait-il. C'est enfin arrivé. Et ça ne ressemble à rien d'autre qui se soit déjà fait sur la scène hip-hop québécoise.

Prises individuellement, les chansons sont nostalgiques, ou simples et efficaces, ou baignées de l'atmosphère hip-hop/jazz qui rappelle le projet Jazzmatazz de Guru il y a une douzaine d'années. Un peu d'électro-funk, de soul et de reggae viennent compléter le portrait.

Mais la somme de ces compositions donne un album fascinant, éclaté, foisonnant, qui demande plusieurs écoutes avant de révéler tout son potentiel. Les instrus sont bons, mais le travail d'écriture est encore plus remarquable. La joute verbale que se livrent les MC/musiciens/bidouilleurs est tout simplement lumineuse.

Un trip de création, assurent-ils. «Expérimental? On peut dire. Un disque spontané, avec des sons et des mots qui peignent une sorte de toile abstraite», de dire Boogat. Tom: «Certains d'entre nous se sont établis à Montréal, nous avons tous nos projets personnels, ça devenait compliqué de se retrouver pour travailler. On a décidé de louer un chalet pour s'y enfermer et se consacrer au projet.»

Huit gars, pas de femmes. KenLo, surtout reconnu comme beatmaker - il compte des fans partout sur la planète grâce à sa trilogie instrumentale Craqnuques, disponible gratuitement sur sa page MySpace - tempère: «Cet album est dédié aux femmes! C'est pourquoi on en voit une sur la pochette.»

«On a travaillé, mais on a aussi fait la fête, ajoute Tom. En arrivant, on a déballé les instruments et les caisses de bière. Notre premier morceau en est un de party.» La chanson-titre, Dendrophile, est un titre électro-funk en forme d'hommage à Chromeo, avouent-ils. «On écoutait leur disque en faisant les repas», se rappelle Boogat.

Écrit, composé et enregistré en un peu moins d'un mois, Dendrophile marque d'une pierre blanche l'évolution du hip-hop de Québec. Les différentes personnalités musicales des protagonistes ont été mises au défi «de faire un disque qu'on n'aurait pas fait seuls, insiste Boogat. Chaque jour, on se mettait dans un état d'esprit qui allait avec l'idée qu'on avait de telle ou telle chanson. Un ramassis d'influences qui nous font triper.»

«C'est le disque d'une expérience, et on voulait qu'il témoigne de ce mois passé au chalet, explique Tom. On l'a réécouté, et je crois qu'on aurait pu couper ici, ajouter tel élément là, mais ça aurait trahi l'idée première. Dendrophile, c'est l'album qu'on a fait durant une période de temps bien précise, et c'est comme ça qu'on veut que les auditeurs le prennent.»

Après les lancements, Movèzerbe souhaite faire vivre le projet sur scène. Le disque étant en lui-même garant de la qualité du projet, la tournée devrait être longue et fructueuse.