En novembre, Serge Lama a lancé en France un nouvel album, L'âge d'horizons, qui sera offert ici à compter du 17 février. Un disque aux textes magnifiques, où Lama et ses 65 ans assumés s'enivrent de femmes, de poésie, de volupté... et de mort.

«Je suis malade de l'écriture, j'écris tout le temps», explique d'emblée Serge Lama au bout du fil quand on lui demande combien d'heures il peut bien écrire par jour pour ainsi ciseler d'aussi beaux textes. Que ce soit pour parler d'une passion toute physique (Une histoire de rien), de crime passionnel (Accident d'amour), de jouets sexuels (Objets hétéroclites), d'amour à trois (Que viva Vivaldi), de Socrate et de son amour pour les petits garçons (Socrate), du conflit israélo-palestinien (Les filles d'Abraham), des hommes et des femmes (très joyeuse et intitulée... Les hommes et les femmes!) - qui est d'ailleurs le premier extrait et vidéo du disque (sur YouTube) -, tous les sujets se prêtent à son talent d'auteur de chansons «à texte populaire», ce qui n'est pas une mince affaire.

 

Il est aussi beaucoup question de la mort et de la déchéance dans les 16 chansons de L'âge d'horizons. C'est le cas de D'où qu'on parte, qui ouvre l'album avec panache et fatalisme: «Avance/vieux foetus/Du berceau à la gloire/de la gloire à l'humus» ! Tout est dit en quelques mots: «C'est d'ailleurs à partir de cette phrase que la chanson s'est construite, mais j'avoue que, dans cette chanson en particulier, on peut s'arrêter à toutes les deux phrases et y trouver quelque chose», explique Lama, sans fausse modestie - car il a raison.

Ça ne fait pas de l'album un disque lourd pour autant, puisque certains morceaux ont des allures de comptines (Verbaudrimlaine) ou des arrangements très tendres (La lampe à pétrole, dédiée à Brassens et à sa grand-mère), sans oublier les chansons plus légères, rigolotes, qui seront évidemment celles qui tourneront davantage à la radio.

Mais, comme sur la plupart des albums de Lama, ce sont les chansons avec un propos moins guilleret qui frappent fort. Le cas de Grosso modo est à cet égard révélateur («Dieu est mort, Sartre aussi d'ailleurs/Heidegger et nihiNietzche/Cette philisophaille kitsch/Qui a plus de tête que de coeur»). «C'est très à la mode de parler d'écologie - et avec raison, c'est une grande préoccupation. Mais je trouve qu'il y a une «déculturisation» extrême, et pas juste dans les forêts. C'est aussi vrai dans les cerveaux. On est en train de perdre la culture du passé, les métiers, l'histoire, la culture... Les enfants français ne savent plus qui est Louis XIV ou ce qu'est l'Antiquité - ils ne savent d'ailleurs pas si Louis XIV, c'était avant ou après l'Antiquité. J'ai donc essayé de faire une chanson qui part de l'écologie «naturelle», si je puis dire, pour parler ensuite d'une écologie plus intellectuelle.»

Toujours prêt à écrire, il a notamment signé un morceau (J'en veux) du récent album de Bruno Pelletier sur une musique de Daniel Lavoie: «C'est Daniel qui m'a demandé s'il pouvait la lui proposer et moi, j'ai tellement de chansons, c'est pas un problème, ça me fait toujours plaisir qu'une de mes chansons vive en dehors des cartons et des oubliettes!»

Lama devrait venir au Québec dans un an. Si son instinct le lui conseille: «On fait beaucoup un métier d'instinct. Je pense que les artistes qui font une grande carrière sont plus instinctifs qu'intelligents. C'est l'intelligence qui est plutôt un handicap, c'est elle qui fait hésiter, alors que l'instinct prend des décisions, décisions que l'intelligence rejette. Alors, il faut toujours se battre entre les deux. Car plus on vieillit, plus on est intelligent: l'intelligence, c'est comme l'huile, elle remonte toujours au-dessus de l'eau», conclut-il en riant.