The Rape of Lucretia, de Britten, totalise à McGill deux longues heures de tergiversations politiques et matrimoniales au bout desquelles éclate enfin le dénouement, qui ne fait que quelques minutes et vaut le spectacle entier.

Ce dénouement, c'est, bien sûr, le viol de la chaste Lucrèce (la Lucretia du titre) par celui qu'on appelle le prince de Rome, Tarquin (ou Tarquinius, selon la formule latine utilisée dans l'opéra). L'acte se déroule très clairement sous nos yeux, par terre, mais sans recherche d'effets grossiers. Au contraire, l'accent est plutôt mis sur la répulsion qui secoue la pauvre femme, sur la consolation que lui apporte son époux Collatinus, appelé en hâte sur les lieux, et sur son geste ultime: elle se poignarde et retrouve ainsi sa chasteté.

 

Liliana Piazza, en Lucrèce, fait entendre une bonne voix de mezzo et joue avec conviction. Seul autre sujet à retenir de cette distribution: Margaret Rood, en Lucia, la servante de Lucrèce. Sa brillante présence et sa jeune voix de soprano illuminent le plateau.

L'ensemble de la distribution reste néanmoins très convenable au plan vocal et dramatique. Le metteur en scène a hélas! commis la même erreur que l'Opéra de Montréal en 2003: le chanteur et la chanteuse qui représentent respectivement le «choeur masculin» et le «choeur féminin» de la tragédie grecque circulent librement dans l'aire de jeu (on dirait des touristes!), alors que la partition précise qu'ils ne doivent jamais y venir, étant des commentateurs de l'action.

Les éclairages sont trop sombres au premier acte: on ne voit pas les visages. Trop de figurants aussi. Et trop d'échafaudages. Mais de beaux costumes, d'intéressants décors stylisés et le relief voulu chez la douzaine d'instrumentistes requis par Britten.

THE RAPE OF LUCRETIA, opéra en deux actes, livret de Ronald Duncan d'après la tragédie Le Viol de Lucrèce d'André Obey, musique de Benjamin Britten, op. 37 (1946). Production: Atelier d'opéra de McGill. Mise en scène: Patrick Hansen. Décors: Vincent Lefèvre. Costumes: Ginette Grenier. Éclairages: Serge Filiatrault. Direction musicale: Julian Wachner. Pollack Hall de l'Université McGill. Première mercredi soir. Reprise ce soir, 19h30. Avec surtitres français et anglais.