Pour découvrir le nouvel album de Bruce Springsteen et du E Street Band, Working On A Dream, en magasin mardi, nous avons demandé à trois fans finis du «Boss» de l'écouter avec nous. Ils se sont prêtés au jeu avec enthousiasme, juste pour le pur bonheur d'écouter les chansons de leur idole et d'en parler!

Dans mon salon, à gauche du divan, Richard, conseiller syndical qui, avec des copains, chante et joue à la guitare du Bruce régulièrement. À droite, Fernando, architecte, qui se prenait pour le «Boss» en secondaire 5 («J'avais même une casquette de baseball dans la poche arrière de mon jeans, comme sur la pochette de Born In The USA»!) et qui a été jusqu'à Prague pour voir Springsteen. Dans le petit fauteuil, Pierre, conseiller en communications, qui fait toujours tourner un CD du Boss dans son auto et qui est le genre à partir un après-midi pour le voir en spectacle à Saratoga Springs (six heures de route) et revenir dans la nuit pour aller travailler le lendemain.

 

Dans leurs mains, une photocopie des textes des 13 nouvelles chansons du disque Working On A Dream. C'était une de leurs rares exigences pour cette séance d'écoute: «Tu comprends, découvrir un album de Bruce sans lire et comprendre ses textes, sa poésie, c'est comme regarder un tableau en noir et blanc», explique Richard.

Première chanson: Outlaw Pete, qui débute par des violons, fait des clins d'oeil d'harmonica à Morricone et dure près de huit minutes. «C'est vraiment du Bruce, ça, avec une espèce de build-up à chaque couplet, lance Pierre. Une super toune pour conduire.» «Ça me fait plaisir qu'il ait sa voix plus naturelle: sur ses derniers disques, je trouve qu'il prenait des accents un peu artificiels», ajoute Fernando. «Le texte est long, le thème du hors-la-loi revient beaucoup, mais c'est jamais plate, à cause de tout ce qui se passe musicalement», renchérit Richard.

On passe à My Lucky Day. Quand retentit le fameux saxophone de Clarence Clemons, tous trois s'exclament de bonheur, et Fernando fait semblant de jouer de la tambourine. «Ça paraît qu'ils ont enregistré ce disque pendant qu'ils étaient en tournée, entre les représentations: ils sont unis, on entend des harmonies vocales partout», lance Richard.

Mais voici que débute le troisième morceau, la chanson-titre, Working On A Dream. Tous se taisent... avant de s'exclamer, ravis: «Oh yes, Little Steven chante avec Bruce!» Little Steven, c'est Steve Van Zandt, guitariste du E Street Band. Les harmonies vocales sont effectivement belles: «On dirait du Roy Orbison», lance je ne sais plus qui. «Croyez-vous que cette chanson est influencée par l'arrivée d'Obama?» demande Fernando. «En tout cas, elle est très ensoleillé, de bonne humeur», lui répond-on.

La quatrième, Queen of The Supermarket, n'est pas accueillie avec grand enthousiasme: «finale étrange comme quand les Beatles faisaient jouer leur musique à l'envers», «drôle de façon d'utiliser le f... word, etc. Et la cinquième (What Love Can Do) n'est pas non plus particulièrement appréciée. La sixième, This Life, très Beach Boys, ne fait pas plus l'unanimité.

Quand débute Good Eye, il y a donc un long soupir de soulagement dans le salon. «Aaaaah, c'est mieux, un bon three bar blues, avec une touche moderne», dit Richard. «L'entends-tu qui crie dans son harmonica?» se réjouit Fernando. «Le texte est vraiment pas mal aussi», ajoute Pierre. Même enthousiasme pour Tomorrow Never Knows: «Les Beatles ont une chanson du même titre, mais c'est pas mal différent, hein?» lance Fernando en riant à l'écoute de cette chanson country. «Comment tu veux ne pas aimer ça?» dit Richard, avant que Pierre affirme «que t'as vraiment le goût de baisser ta vitre d'auto pour sentir le vent, juste à l'écouter» !

Le neuvième morceau, Life Itself est déclarée «toune qui demande à être apprivoisée» (en la réécoutant, les gars réaliseront qu'ils l'ont déjà apprivoisée!). Kingdom of Days, elle, plaît assez et donne lieu à une discussion de fond sur ce que le titre peut bien vouloir dire. Surprise, surprise, étonnante chanson d'anniversaire (!), les convainc à moitié.

Mais voilà que résonne The Last Carnival, écrite à la mémoire de Danny Federici, accordéoniste-claviériste de Springsteen pendant 40 ans, décédé l'an dernier du cancer. C'est très, très beau, tout simplement. Fernando lance le titre de toutes les chansons où il est question de «Billy», surnom de Federici. Et la finale quasi gospel serre la gorge de tous.

On écoute enfin la piste boni, The Wrestler, tirée du film du même titre, couronnée par un Golden Globe dernièrement. «Tout à fait dans la lignée du disque The Ghost of Tom Joad», fait remarquer Pierre.

La journaliste insiste: combien d'étoiles, les gars, pour Working On A Dream? Hum. Pas facile. Entre trois étoiles et trois étoiles et demie, est-ce qu'on peut?

«Ça ne sera pas un disque facile à écouter d'un bout à l'autre», m'explique Pierre. «Mais au moins, cet album m'a fait sourire souvent, dit Fernando, j'avais tellement peur que ça soit encore un autre des «albums sombres de Bruce.» «Oui, mais c'est étrange, pas de chanson patriotique ou engagée comme l'était 41 Shots, mettons», insiste Pierre. «C'est vrai, commente Richard, mais au moins, il nous épargne son trip Jésus avec ce nouveau disque. Le vrai problème, c'est qu'il n'y a pas assez de guitares sur cet album, vous trouvez pas?»

Et c'est reparti: c'est vrai, ça, pas assez de guitare. Pourquoi? Il se fait tard, les gars sont fatigués, mais la discussion ne fait que commencer...

FOLK ROCK

Bruce Springsteen



Working On A Dream

Sony

*** 1/4

En magasin mardi