Voici 0.9, le nouvel album du personnage le plus controversé de la scène rap hexagonale. Éternel adversaire du populaire Sinik, la grande gueule de Booba incarne et assume sa fixation pour le hip-hop new-yorkais et distribue les claques sur la gueule à qui ose barrer son chemin. Regard sur l'une des étoiles du rap français de 2008.

Violent, grossier, provocateur, le rap français commercial a mauvaise presse. Tiens donc. Or, pour contrer cette image - une rapide généralisation d'une très riche scène musicale, convenons-en - et pour illustrer combien cette scène négligée demeure encore aujourd'hui une force dans l'industrie de la musique française, on a organisé en octobre dernier le deuxième concert Urban Peace, «le plus grand concert de rap en Europe», clame-t-on. Tout ce qui anime la scène hip-hop hexagonale est invitée à parader au Stade de France, devant des milliers de fans.

 

Élie Yaffa, alias Booba, star du rap né de parents d'origines française et sénégalaise, y était, bien sûr. Les grands y sont tous, et Booba est déjà à fond dans la promo pour la sortie de 0.9, attendu dans les bacs le 24 novembre. Sauf que l'accueil pour le rappeur est bruyant, en ce samedi soir du début octobre. Trop bruyant: des cris, des injures, puis des projectiles. Booba pète une coche, engueule le public, crache dessus et lance dans le foule la bouteille de Jack Daniels à moitié vide qu'il tenait à la main en montant sur scène. Scène que le rappeur est forcé de quitter, sous un concert de huées.

Un hit sur YouTube, on s'en doute. Une sacrée publicité pour le rappeur le plus controversé de la scène rap française, un personnage qui divise les fans entre ceux qui endossent l'histoire qu'il raconte et les autres qui le traitent de clown ou d'arriviste.

Rappeurs écorchés

Mais il a la couenne dure, le Booba. Considéré comme un vétéran, le MC, originaire du quartier Boulogne-Billancourt, à l'extérieur de Paris, a amorcé sa carrière au sein du duo Lunatik, dans le milieu des années 90. Les plus vieux se rappellent des morceaux du duo, apparus sur les premières légendaires compilations du label Hostile.

Suit le parcours habituel: mixtapes (il en fait encore aujourd'hui, entre deux albums officiels), participation aux albums des collègues (de Time Bomb à Rim'K), puis un premier véritable album, Temps mort, lancé en 2002.

Le style est sombre, le flow est pâteux, mais caractériel: on sent le fiel, les sourcils qui froncent et les poings qui ferment. La plume est étonnamment assez agile pour quelqu'un qui aime vanter les mérites de la street life et du pognon, apparemment si facile à gagner chez les rappeurs parisiens (c'est ce qu'il clame, en tout cas). Pour résumer de manière assez fidèle, disons que Booba voudrait bien être le 50 Cent parisien...

Un autre trait du caractère bouillant du musicien: sa propension à vouloir fermer le bec à ses compétiteurs. Ses cibles favorites: Sinik et Diam's, qu'il accuse d'avoir dilué le hip-hop français à des fins commerciales. Ils ne sont pas les seuls dans le collimateur de Booba. Sur la chanson B2OBA (du nouvel album), IAM, MC Solaar et NTM, les «vieux», sont aussi écorchés.

D'autre part, le bougre est capable de pondre de furieux morceaux. Illégal, deuxième extrait de 0.9 - incontestablement l'un des albums rap les plus attendus en France, son précédent, Ouest France, ayant été couronné d'un disque double platine (600 000 exemplaires) - est une bombe pur Booba. Le rythme électro teigneux et dansant, le flow agile, mais pesant, exactement le genre de titre grâce auquel il s'attire autant de fans que de détracteurs.

Ça, et la controverse. D'ailleurs, le titre de son album, 0.9, réfère au degré de pureté de la cocaïne, et les photos de la pochette ne laissent aucun doute sur le lien à faire. À 0.9, on devine que c'est de la bonne.