Croisée au sein du duo Sky au début de la décennie, la chanteuse Anastasia Friedman refait surface avec un album publié chez Audiogram. Délaissant la pop jetable, elle propose un folk ambiant inspiré par ces disques «qui vieillissent bien».

On ne peut pas dire que Sky soit passé inaperçu au tournant des années 2000. Sa chanson You, coécrite par Anastasia Friedman, a cartonné sur les ondes radio à cette époque. On ne songerait toutefois pas à faire le lien entre ce tube funky pop et les chansons doucement grattées à la guitare qu'on entend sur Full Circle si personne n'avait pris la peine de préciser qu'il s'agit bel et bien de la même chanteuse.

 

Anastasia, née à Montréal d'un père américain et d'une mère chilienne, a connu Antoine Sicotte, l'autre moitié de Sky, à l'adolescence. Elle a fait un peu de musique avec lui à l'époque, mais ne l'a retrouvé qu'au moment de remplacer James Renald au sein du tandem. «Sky, c'était une occasion d'ouvrir des portes, d'avoir accès à l'industrie», dit-elle aujourd'hui, sans pour autant renier les deux disques qu'elle a faits avec le groupe. Quand on a décidé de ne plus continuer, c'est parce qu'on avait tous les deux envie d'explorer autre chose.»

Antoine Sicotte a frappé le jackpot en réalisant des compilations de Star Académie. Anastasia, elle, a voyagé et cherché sa voie. «J'avais une bonne idée de la musique que je voulais faire, assure-t-elle, mais je n'avais pas encore rencontré les bonnes personnes.» Elle a mis deux ans à trouver son chemin jusqu'au patron d'Audiogram, Michel Bélanger, ce qui lui a permis d'agir à titre de choriste pour Jean Leloup et Daniel Bélanger.

Surtout, cela lui a permis de croiser le réalisateur Carl Bastien, un maître dans l'art de créer des atmosphères. C'est lui qui est aux commandes de Full Circle. «Il était clair que je voulais faire un disque qui n'allait pas mal s'écouter dans 10 ans, expose la chanteuse. On voulait retourner à nos racines, à ce qu'on écoutait à l'adolescence: Neil Young, Jeff Buckley... Des choses qui vieillissent bien.»

De l'instinct pour les ambiances

On pourrait résumer en disant que Full Circle est un disque folk. Un folk actuel, où la guitare acoustique a le beau rôle, mais toujours soucieux de créer des ambiances à l'aide de toute la lutherie disponible, qu'elle soit organique ou numérique. «On a beaucoup discuté du mood qu'on voulait installer, dit Anastasia. J'ai suivi l'instinct musical de Carl et l'ai rarement questionné. Je me suis laissé guider.»

Son réalisateur l'a notamment incitée à faire preuve de retenue dans ses interprétations, alors qu'elle avait tendance à vouloir tout donner du premier coup. Réflexe sans doute normal d'une fille qui a fait de la danse et aussi chanté dans les bars. Dépouillée de l'épais maquillage qu'elle portait sur les disques de Sky, sa voix se révèle maintenant plus voilée, un brin rauque et, au bout du compte, plus sensible, plus sensuelle.

Hope Street, l'un des morceaux qui ressortent du lot - avec sa reprise de Why, d'Annie Lennox - constitue un bon exemple de la manière d'Anastasia qui, curieusement, exclut toute référence à la culture musicale de sa mère. «Elle était fan de Tina Turner et des Beatles. Elle est partie du Chili à 20 ans pour aller aux États-Unis; elle a fait Woodstock. Elle cherchait à se déraciner pour trouver une meilleure vie», justifie la chanteuse. Si elle écrivait en espagnol, elle dit qu'elle s'arrangerait de toute façon pour que ce soit «anti-traditionnel», pour «briser les clichés». «Un jour, ça va venir», annonce-t-elle.