Pour avoir mal administré le Programme d'entrepreneurs de la musique (PEM), Téléfilm Canada est condamnée à payer 900 000 $, (1,3 million en calculant les intérêts), à des producteurs de disques, a décrété la Cour supérieure dans un récent jugement.

L'erreur de Téléfilm Canada est d'avoir fait miroiter, par l'intermédiaire de son directeur du programme, Shelley Stein-Sacks, et un analyste, Nat Merenda, l'octroi de prêts sans intérêt à des entreprises qui ne les ont pas eus. Puisque l'affaire semblait dans le sac, des producteurs de disques avaient engagé des frais dans des plans d'affaires, parfois plus audacieux que de coutume, pour ensuite se voir refuser les subventions.

 

Alléguant du favoritisme, un manque de transparence et des conflits d'intérêts, six producteurs de disques se sont unis en 2003 pour poursuivre Téléfilm Canada. Au terme du procès et de son délibéré, le juge Pierre C. Gagnon conclut que l'organisme fédéral a été imprudent et a induit en erreur les entreprises candidates quant à leurs chances de succès.

Téléfilm doit ainsi payer un peu plus de 313 000 $ à Disques Atlantis, 526 000 $ à Productions M.P.V, et 22 000 $ à Disques Artiste. Avec les intérêts accumulés depuis 2003, la facture gonfle à 1,3 million. Les réclamations de Disques Atma et Gestion son image inc. ont été écartées, tandis que celle du Musicomptoir n'a pas été prise en compte, vu qu'il a fait cession de ses biens depuis.

Le Programme d'entrepreneurs de la musique (PEM) avait été lancé par le ministère du Patrimoine canadien en octobre 2001, dans le but d'aider l'industrie du disque à faire face aux nouvelles réalités du marché. L'administration de ce programme, avec un budget de 23 millions de dollars à la clé, avait été confiée à Téléfilm Canada, pour qui il s'agissait d'une première incursion dans l'industrie du disque. Téléfilm s'était alors tournée vers l'entreprise privée et avait embauché Shelley Stein-Sacks à titre de directeur du PEM.

Décrit comme un homme affable et sociable M. Stein-Sacks a travaillé pendant 20 ans chez Sam the Record Man, et cinq ans pour Groupe Archambault. Il était bien connu de tout le monde dans le milieu de la musique populaire. En prenant son poste à Téléfilm, il avait chaudement sollicité les candidatures pour le PEM, multipliant les encouragements, et les remarques positives.

«Imprudent lui aussi, M. Stein-Sacks a pu penser qu'il détenait seul l'autorité discrétionnaire pour attribuer les fonds du PEM. Mais Téléfilm Canada a formé un comité de sélection, où il s'est retrouvé minoritaire», note le juge dans sa décision. Il relève aussi le fait qu'il y avait beaucoup de confusion au début du PEM.

«Rien n'indique que M. Stein-Sacks ait été convenablement entraîné et encadré en tant que nouveau fonctionnaire fédéral en charge d'un tout nouveau programmes disposant de fonds considérables... De bonne foi au départ, M. Stein-Sacks a pu penser qu'il lui incombait de favoriser la visibilité maximale du PEM et de surmonter l'incrédulité et les hésitations des artisans du disque en sollicitant un grand nombre de candidatures de prestige», peut-on lire dans la décision.

Chez Téléfilm Canada, on ne pouvait dire, hier, si la décision serait portée en appel.