Stéphane Moraille mène deux existences pas tout à fait parallèles. Avocate spécialisée dans le droit d'auteur, elle est aussi la voix forte de Drinking in L.A.. Au sein de Bran Van 3000, on l'avait nommée Soul Diva, car elle était de loin la plus tonifiante des chanteuses associées à la tribu montréalaise. La double vie de Stéphane Moraille se poursuit avec un premier disque solo: Florida Water.

Trajectoire intéressante que celle de Stéphane Moraille, femme d'énergie, d'exubérance et de lumière. Celle d'un être humain volontaire, élevé dans les hauteurs confortables de Kenscoff en périphérie de Port-au-Prince, et installée à Montréal depuis nombre d'années.

 

D'où vient ce désir irrépressible de chanter?

«J'ai travaillé ma voix comme une folle. Au début, je voulais être ballerine. Devenue intermédiaire avancée, je passais mes étés chez Alvin Ailey, je m'entraînais tous les jours jusqu'à ce que je me blesse un genou et que je trouve un exutoire. J'ai commencé à chanter... terriblement mal! Mais j'ai travaillé beaucoup sur «l'instrument». Henry Miller a déjà écrit que tout le monde pouvait chanter, qu'il suffisait de le faire. Je le voulais et j'ai travaillé.»

Avocate reçue au Barreau en 2001, Stéphane Moraille doit aussi satisfaire un autre besoin pour maintenir son état de plénitude. «Quand je suis juste artiste, je commence à m'ennuyer, l'exercice intellectuel me manque. Je suis donc heureuse de faire les deux. Mon défi pour 2009, c'est de maintenir cet équilibre.»

Aujourd'hui, la balance penche clairement pour cet album tout frais, produit à grands frais chez Déjà Musique. Elle s'exclame: «Je n'ai jamais osé imaginer avoir la chance de faire mon propre album. Dans l'état actuel de l'industrie de la musique, qui prendrait le risque de me produire? Janie Duquette (patronne de Déjà Musique) l'a fait. Elle est une femme passionnée, convaincue, à un point tel qu'elle peut créer les conditions propices. C'est sûr que c'est un disque pop, ces chansons pourraient sonner différemment mais...»

Stéphane Moraille ne regrette pas d'avoir laissé à d'autres le soin d'habiller ses chansons, d'abord le Montréalais Dee, jeune whizz de la pop s'il en est, et surtout John Webster, hitmaker d'expérience. Célébrissime réalisateur de Vancouver, Webster est cette pointure qui a entre autres fait de la réalisation pour Aerosmith, AC/DC, Rush, Mötley Crüe, Alice Cooper, etc.

«Ça a été un exercice intéressant de travailler avec John et Dee, car ça a été une façon d'apprendre à lâcher prise, à faire confiance. Vous savez, on aurait fait un album obscur de musique alternative, ç'aurait été très correct. Ma vision de la musique est libre, sans contraintes de style. Oui, cet album est big shiny, c'est aussi correct. Je suis contente, j'ai beaucoup apprécié l'ardeur déployée par cette équipe. Ces gens étaient heureux de faire ce qu'ils ont fait. Ils veulent que ça marche.»

Stéphane Moraille laisse ainsi entendre que ses chansons peuvent porter plusieurs habits, que le vêtement pop choisi pour Florida Water n'est pas une finalité en soi. C'est ce qu'il y a dessous qui compte: «J'écris tout le temps mes états d'âme, ça m'apprend beaucoup sur moi-même.»

Et elle cite des exemples: «Sharpshooter parle de la force de surmonter les obstacles, Florida Water est très mystique, très vaudouesque. Lover, c'est mon divorce. Message s'adresse à un copain disparu. Sick, c'est la douleur de vivre une séparation, se rendre à l'évidence que ça ne marche pas. D'autres chansons, plus tongue and cheek, me font rire. En fait, mes chansons sont des états d'âme travaillés. C'est réconfortant de mettre ça dans un album.»

Consciente de la nécessité de changer le modèle d'affaires de l'industrie de la musique, la chanteuse se prête à une expérience qui s'amorce mardi: jusqu'à la fin de 2008, Florida Water sera offert exclusivement en ligne sur le portail Canoë, avec bannière sur la page d'accueil.

N'est pas soul diva...vocate qui veut!